Tunisie : Pas de relance sans réforme du système de la concurrence

En Tunisie, il n’est pas excessif de penser qu’aucune relance économique ou démocratie entrepreneuriale ne pourront voir le jour sans une réforme en profondeur du système bancaire et de la concurrence.

Elyes Kasri *

Dans cette profonde crise structurelle avec la conjonction de causes endogènes et exogènes exceptionnellement défavorables, il est quand même désarçonnant de voir le secteur bancaire réaliser des chiffres de croissance et de bénéfices multiples de la croissance économique nationale. **

Pourtant, il est de notoriété publique que les banques tunisiennes n’utilisent pas de procédés ou de schémas plus modernes et plus créateurs de richesse que ceux de leurs homologues européennes, asiatiques et américaines.

Face à ce mystère, certains vont jusqu’à imputer cette rentabilité et cette croissance hors norme à une situation de rente et des ententes de cartels qui feraient du système bancaire un mécanisme d’appauvrissement de l’entreprise, surtout de la PME, et d’extorsion du contribuable.

En Tunisie, il n’est pas excessif de penser qu’aucune relance économique et une démocratie entrepreneuriale ne pourront voir le jour sans une réforme en profondeur du système bancaire et de la concurrence.

Les plus grands freins à la réforme et à la démocratisation de l’économie pourraient bien ne pas être des contrebandiers ou des spéculateurs tapis dans des dépôts et hangars éparpillés dans l’arrière-pays mais plutôt des cols blancs confortablement installés dans des bureaux luxueux et climatisés avec des primes insolentes et une mentalité de rapace et de charognard.

* Ancien ambassadeur.

** Au 31 décembre 2023, les 19 banques ayant publié leurs états financiers à ce jour ont cumulé  un résultat net de 1 549,7 millions de dinars, en progression de 12,2% par rapport à l’exercice 2022. Le résultat net bénéficiaire de la BH, par exemple, s’est accru, au cours de la même période, de plus de 14%, et celui de la Biat de 10,6%. Sachant que la croissance économique nationale pour 2023 n’a pas dépassé… 0,4%. Nos banquiers sont certes de bons gestionnaires, mais tout de même, cet écart est insolent et signale un grave dysfonctionnement structurel !