«Ecosystème de l’internationalisation : opportunités et défis pour une expansion des entreprises tunisiennes à l’échelle du continent africain». Tel est le thème choisi par la South Mediterranean University (SMU : MSB/MedTech/MSH), pour sa 8e conférence du cycle des «Jeudis de l’Afrique», en collaboration avec Expertise France et son projet Qawafel d’appui à l’internationalisation des entreprises tunisiennes à l’échelle africaine.
Pour la circonstance, l’événement, qui s’est tenu dans le campus de la SMU aux Berges du Lac 2 à Tunis, a réuni un panel de haut niveau composé de représentants des secteurs public et privé afin de mieux comprendre le panorama africain à travers des partages d’expériences, l’objectif étant de consolider l’existant et d’ouvrir la voie à de nouvelles opportunités.
L’Afrique : une croissance remarquable
«La Tunisie a plus de 70% de son économie concentrée dans les secteurs des services et de l’industrie manufacturière, soit une base solide pour l’export», a rappelé Hela Chaari, directrice du département Business Development au sein de la SMU et initiatrice de cet événement. «L’Afrique connaît actuellement une croissance remarquable», a-t-elle fait remarquer, citant des données de la Banque africaine de développement (BAD) estimant que le PIB du continent devrait atteindre 3,7% en 2024 et 4,3% en 2025 avec 11 des 20 pays ayant la croissance la plus forte au monde.
Des chiffres qui démontrent les opportunités d’affaires qui s’offrent aux entreprises tunisiennes. La classe moyenne sur le continent est en pleine émergence et estimée à 350 millions de personnes, ce qui souligne le potentiel immense de la demande pour des produits et des services de qualité sur ce marché.
Mohamed Salah Boulila, managing director au sein de l’agence de gestion de projets Mazam, a présenté en avant-première, à l’occasion de cette édition des «Jeudis de l’Afrique», une cartographie identifiant les acteurs tunisiens qui gravitent dans l’écosystème de l’internationalisation orienté vers les marchés africains pour essayer de le structurer. Quelque 81 acteurs, entre PME et startups, ont été répertoriés et retenus par la démarche. Ils ont été répartis en 6 catégories : les organismes de support aux PME et aux startups, les groupements d’intérêt économique, les organismes d’appui gouvernemental, les bailleurs de fonds internationaux, les cabinets de conseil et les associations et réseaux de soutien.
L’Afrique, un choix stratégique
A ce propos, Mazen Kacem, chef du projet Qawafel, a expliqué que ce projet, financé par l’Agence française de développement (AFD), vise à appuyer les entreprises tunisiennes, PME et startups, à s’internationaliser à l’échelle du continent africain. Quatre pays ont été sélectionnés à cet effet : le Sénégal, la Mauritanie, le Kenya et la République démocratique du Congo. Le projet comprend trois composantes : accompagner le secteur privé via des structures intermédiaires, appuyer le gouvernement tunisien sur la diplomatie économique et travailler sur les réglementations.
Invité à l’événement, Mourad Ben Hassine, PDG du Cepex, a ajouté que le continent africain va doubler en termes de population à l’horizon 2050, en plus de la croissance économique constatée, soulignant l’agenda politique et économique de l’Union africaine dont dispose ces pays. «Il y a tous les ingrédients pour faire de ce continent un choix stratégique», a-t-il affirmé, rappelant qu’avec les ministères de tutelle, le Cepex travaillait sur ces perspectives, également en partenariat avec des institutions internationales pour préparer la Stratégie nationale de développement des exportations avec des fiches-projets dédiées au marché africain.
«Les services sont les accélérateurs de l’internationalisation», a soutenu pour sa part Nadia Yaich, secrétaire générale du Tunisia Africa Business Council (TABC). Elle a aussi soulevé la problématique de l’absence de conventions de non double impositions avec les pays subsahariens et qui pénalisent les entreprises tunisiennes. «En payant les impôts dans deux pays, nous ne sommes plus compétitifs malgré la qualité de nos services», a-t-elle déploré, en citant à ce propos l’exemple de l’île Maurice qui est actuellement le pays le plus attractif parce qu’il a établi des conventions avec les 53 autres pays africains.
«L’autre défi auquel nous faisons face, ce sont les banques», a considéré l’intervenante, abordant la question des cautions que les entreprises doivent bloquer pour pouvoir s’engager dans des projets à caractère étatique en Afrique.
A ce propos, Imen Messaadi, directeur central au sein de l’Arab Tunisian Bank (ATB), a déclaré que son établissement bancaire «pourrait très bien être un soutien en apportant un financement et un accompagnement grâce à l’expertise bâtie ces dernières années dans ce sens», évoquant notamment la ligne de crédit de 140 millions d’euros de la KfW qui a permis à l’ATB d’accompagner de grands programmes d’internationalisation qui ont concerné 260 entreprises clientes et non clientes de l’ATB. «Cela a permis, sur des problématiques à l’export, d’apporter une montée en compétence de nos clients», a-t-elle affirmé.
Pour sa part, Houeida Gharbi, présidente du nouveau groupement d’intérêt économique Wetic, spécialisé dans les métiers des TIC qui travaille sur une internationalisation sur le marché africain par une sorte d’exportation collaborative, a indiqué que 12 entreprises sont actuellement concernées par la démarche et ont déjà entamé, selon leur degré de maturité, à exporter sur le continent. Wetic prend part à de nombreux événements et salons internationaux pour faire connaître les offres de ses membres.
La question de la diplomatie économique a été par ailleurs considérée par Wahb Ouertani, président de Conect Intech au sein de la Conect et du Collège des startups, comme fondamentale. «L’Afrique n’est plus celle des 50 ans passés, c’est désormais un continent très concurrentiel et on ne peut plus y aller sans s’être préparé au préalable et bien connaître les standards internationaux», a déclaré M. Ouertani, en rappelant que la grande majorité des projets étaient financés par de grandes institutions financières internationales (BAD, Banque mondiale, etc.).
Des opportunités à saisir
Les débats ont apporté la preuve une fois encore que la Tunisie a des opportunités à saisir non seulement commerciales mais également à travers des partenariats qui pourraient être passés avec les communautés africaines présentes en Tunisie telles que les associations d’étudiants africains. Des programmes d’entrepreneuriat pourraient à ce titre être développés comme l’ont rappelé plusieurs intervenants. De même que le paramètre confiance dans les compétences tunisiennes est également une donne importante basée, d’une part sur le savoir-faire tunisien et, d’autre part, sur la bonne image historique des Tunisiens à l’échelle du continent africain et ce depuis plusieurs décennies.
Reste que de nombreux défis sont à soulever comme celle de la compréhension spécifique de chaque pays et ses codes de fonctionnement.
De même que l’exigence de la valorisation la collaboration entre acteurs tunisiens qui exportent sur le continent africain se pose avec acuité. Pour ce faire, le transfert de connaissance et les différents rouages pour s’attaquer à un marché doivent être transmis par les acteurs clés dans le pays concerné par la transmission des contacts et en faisant bénéficier tout l’écosystème du networking que le TABC notamment a eu le mérite d’établir sur le continent au cours des dernières années.