L’influence écrasante du lobby pro-israélien sur le nouveau gouvernement britannique

Le média britannique Declassified UK spécialisé dans la politique internationale et le renseignement a publié une enquête élaborée par John McEvoy dans laquelle il affirme que le lobby pro-israélien au Royaume-Uni a financé les campagnes électorales de la moitié des membres du cabinet du leader travailliste et tout nouveau Premier ministre Keir Starmer. (Illustration : Wes Streeting, Peter Kyle et Jonathan Reynolds quittent la première réunion du cabinet de Starmer : les agents d’Israël tiennent bien la maison au 10 Downing Street, Ph. Alamy).

Imed Bahri

L’enquête de Declassified UK révèle à la fois l’étendue de l’influence et de la puissance du lobby pro-israélien au cœur du Labour et les liens directs et étroits entre l’establishment travailliste et l’ambassade d’Israël à Londres. 

«Les lobbyistes pro-israéliens ont fait des dons à 13 des 25 membres du cabinet travailliste depuis leur première élection au Parlement», écrit Declassified UK et d’ajouter qu’«une équipe importante du Parti travailliste avait accepté 600 000 livres sterling de la part de financiers pro-israéliens.»  

L’argent israélien irrigue l’échiquier politique britannique  

La liste des bénéficiaires du financement comprend Keir Starmer lui-même, le nouveau chef du gouvernement britannique, son bras droit et vice-Première ministre Angela Renner, la chancelière de l’Échiquier (ministre des Finances) Rachel Reeves, le ministre des Affaires étrangères David Lammy et la ministre de l’Intérieur Yvette Cooper. Jonathan Reynolds, qui supervisera les exportations d’armes vers Israël en tant que secrétaire au Commerce du Royaume-Uni, est un autre bénéficiaire aux côtés du cerveau électoral et stratège du Labour Pat McFadden dont les responsabilités incluent désormais la sécurité nationale.

Selon le média britannique, certains des dons provenaient des Amis travaillistes d’Israël (Labour Friends of Israel, LFI), le lobby pro-israélien au sein du Parti travailliste britannique qui emmène des députés en «mission d’enquête» dans la région.

Reeves, Macfadden, Reynolds et le ministre de la Technologie Peter Key ont été nommés vice-présidents du groupe des Amis d’Israël du Parti travailliste.

Le parti a reçu le soutien financier des hommes d’affaires pro-israéliens Gary Loebner, Trevor Chen et Stuart Rudin avec des dons s’élevant à 600 000 livres sterling. Les bénéficiaires comprenaient Lisa Nandy, Liz Kendall, Wes Streeting et Steve Reed, tous ministres du nouveau gouvernement.

L’enquête de Declassified UK indique que le groupe des Amis d’Israël au sein du Parti travailliste ne révèle pas l’identité des financiers mais une enquête menée par la chaîne qatarie Al Jazeera en 2017 a révélé les relations étroites du groupe avec l’ambassade israélienne à Londres.

Le responsable du groupe parlementaire Michael Rubin a été filmé en train de dire que les Amis d’Israël au sein du Parti travailliste et l’ambassade israélienne «travaillent réellement ensemble mais une grande partie de cela se fait dans les coulisses»

Joan Ryan, ancienne députée travailliste et présidente du groupe, a été montrée en train de discuter d’une somme potentielle d’un million de livres sterling avec un responsable de l’ambassade israélienne. Sept membres du cabinet de Starmer ont accepté un financement de LFI pour se rendre en Israël, dont Reeves, Lammy et le secrétaire à la Santé Wes Streeting.

Israël tient les commandes au 10 Downing Street

Bien que Starmer n’ait pas reçu de financement direct du groupe des Amis d’Israël du Parti travailliste, il a prononcé des discours lors de plusieurs événements organisés par ce groupe. Dans un discours qu’il a prononcé lors de son déjeuner annuel, en novembre 2021, il a réitéré la déclaration raciste et coloniale selon laquelle Israël a été «créé par des sociaux-démocrates qui ont fait fleurir le désert». En octobre 2023, Starmer a enfoncé le clou et déclaré que le groupe travailliste des Amis d’Israël était «une source inestimable d’énergie et d’idées pour moi et mon équipe».

Selon le site Internet Middle East Eye, le ministre de la Santé Wes Streeting rencontre régulièrement le groupe des Amis d’Israël au Parlement. Les organisations de lobbying en faveur d’Israël ont également financé des conseillers auprès de l’équipe du cabinet de Starmer. L’European Leadership Network (Elnet), un groupe de pression qui vise à renforcer les liens entre Israël et l’Europe, a financé la visite en Israël des collaborateurs parlementaires de Streeting et Bridget Phillipson.

Un conseiller parlementaire qui faisait partie de la délégation a déclaré à openDemocracy: «Il y avait un programme clair et évident pour s’assurer que les gens aient une position pro-israélienne avant d’entrer au gouvernement». Il a ajouté qu’à son retour du voyage, un haut responsable de l’ambassade israélienne a demandé: «Avez-vous apprécié le voyage auquel nous vous avions envoyé?» 

Parmi les bailleurs de fonds d’Elnet figure le milliardaire américain Bernie Marcus, partisan de Donald Trump et l’un des principaux donateurs de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac).

L’enquête de Declassified UK a révélé que neuf membres de l’équipe éminente de Starmer avaient accepté un financement d’hommes d’affaires pro-israéliens. L’un des principaux donateurs est Trevor Chinn, un milliardaire britannique qui a passé des années à travailler dans l’industrie automobile et qui dirige des sociétés telles que AA, RAC et Kwikfit. Chinn est considéré comme un partisan pro-israélien majeur. Depuis les années 1980, il a financé le groupe des Amis d’Israël du Parti travailliste et l’autre groupe du Parti conservateur. Des dossiers récemment déclassifiés révèlent comment Chinn a fait pression à plusieurs reprises sur le gouvernement de John Major concernant sa politique envers Israël au début des années 1990. «Il peut être un protagoniste assez coriace de la cause israélienne et n’est en aucun cas une colombe», écrivait un responsable du ministère des Affaires étrangères à propos de Chinn en novembre 1991. «Mon propre sentiment est qu’il n’est pas très subtilement à l’écoute de la scène politique israélienne bien qu’il rencontre un certain nombre de dirigeants à travers ses activités de collecte de fonds», a poursuivi le diplomate indiquant une relation étroite entre Chinn et l’État israélien.

Le père de Trevor Chinn, Rosser Chinn, était président du Fonds national juif (JNF) en Grande-Bretagne. Cette organisation semi-gouvernementale soutenait la colonisation illégale en Palestine et l’historien Ilan Pappé la décrit comme une «agence coloniale de nettoyage ethnique».

Des clowns vaniteux et dénués de tout principe

Chinn a donné 50 000 livres sterling à la campagne de Keir Starmer pour devenir leader travailliste en 2020. Il a fait un don à Reeves, Rayner, Lammy, Streeting, Philipson et Lisa Nandy, ancienne présidente du groupe travailliste des Amis d’Israël et maintenant secrétaire d’État à la Culture. Parmi les autres bénéficiaires figurent la secrétaire au Travail et aux Retraites Liz Kendall et le secrétaire à l’Environnement, Steve Reed. La valeur totale de ces dons de Chinn dépasse 180 000 sterling.

Un autre bailleur de fonds important est Gary Lubner, ancien policier de l’Afrique du Sud de l’apartheid et principal donateur de l’Appel juif uni pour Israël (UJIA). Loebner a donné environ 6 millions de livres sterling depuis que Starmer a pris la tête du parti dont 900 000 livres sterling pour soutenir les caisses électorales. Environ 350 000 livres sterling ont été destinés à soutenir la campagne de Lammy, Reeves et Cooper.

Un troisième magnat pro-israélien, l’ancien gestionnaire de fonds spéculatifs Stuart Roden, a fait don de plus d’un million de livres sterling au Parti travailliste depuis 2023 dont 80 000 livres sterling pour couvrir les frais de bureau de Phillipson et Nandy.

On sait qu’Israël est une création ex-nihilo de l’empire britannique lorsqu’il régnait sur le Moyen-Orient. Aujourd’hui, le Royaume-Uni est en passe de devenir un pays satellite d’Israël. C’est ainsi que finissent les grands empires, lorsqu’ils sont conduits par des clowns vaniteux, cupides et dénués de tout principe.