Tout le monde s’accorde à reconnaître le chaos qui règne dans nos villes et villages, et pourtant, au-delà des lamentations, personne n’agit. Ce n’est pourtant pas l’armature juridique qui manque pour cela, comme en témoigne le Code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme (Catu).
Ilyes Bellagha *
L’article 86 de ce code stipule: «Sont poursuivis devant les juridictions compétentes les maîtres d’ouvrage ainsi que les architectes et les entrepreneurs ou toute personne chargée de l’exécution de travaux entrepris en infraction aux dispositions ou aux servitudes relatives à la situation de la construction, à sa hauteur, à la superficie à construire, ou à l’alignement à observer, si la construction est en bordure d’une route ou d’équipements publics. Les contrevenants aux dispositions visées à l’alinéa premier du présent article sont passibles d’une amende dont le montant varie entre cinq cents (500) dinars et cinq mille (5 000) dinars.»
Cependant, l’application de ces dispositions est entravée par le cartel des agents municipaux. Cela nous conduit à proposer que le Catu soit placé sous la tutelle d’un nouveau département, car ni le ministère de l’Équipement, héritier des Travaux Publics, ni celui de l’Intérieur n’ont réussi à assainir nos agglomérations.
Une décision politique de haut niveau doit être prise. La mainmise du cartel des permis de bâtir est facile à combattre, mais la volonté politique fait défaut. En effet, s’opposer à ces fonctionnaires les empêcherait de compléter leurs revenus. Pourtant, la solution existe. Le même Catu oblige tous les maîtres d’ouvrage à obtenir un permis de bonne exécution conforme au permis de bâtir.
Le politique empêche par sa nonchalance les architectes d’agir véritablement sur le paysage urbain.
Ces derniers jours, j’ai reçu comme invitée une étudiante belge, amie de ma fille. Bien sûr, je lui ai fait visiter uniquement nos quartiers cossus. Elle trouve notre pays chaleureux, accueillant et surtout beau. Cela démontre que la faute ne vient pas des architectes, mais d’un laxisme général qui est devenu une culture.
Chaque architecte a suivi au moins six années d’études rigoureuses et coûteuses, souvent ponctuées de nuits blanches. Pourtant, en fin de compte, beaucoup se retrouvent face à l’échec. Il faut admettre que nous sommes dans une crise culturelle, et non économique.
Le sommet du pouvoir nous parle de construire ce pays. Je me demande comment cela est-il possible sans les bâtisseurs des civilisations. Nous ne voulons pas devenir comme les pays du Golfe, mais plutôt rester un beau pays construit par ses enfants, avec les moyens dont ils disposent. Malheureusement, d’autres pays profitent de nos compétences qui sont contraints d’émigrer.
Monsieur le Président, nous vous demandons de prendre la sage décision de créer un ministère dédié à la ville, car constitutionnellement, vous êtes le seul à en avoir le pouvoir. Ce ministère pourrait combattre définitivement le marasme de la construction anarchique que nous vivons.
Monsieur le président, marquez votre époque en devenant le premier président de ce pays à se soucier du bien-être de ses concitoyens.
* Architecte citoyen.