Né en 1952, le poète Khalil Hawi se suicide de désespoir, juste avant l’invasion israélienne du Liban, en 1982.
Après s’être intéressé à Al-Ghazali et Averroès, il soutient à Cambridge une thèse sur Gibran Khalil Gibran. Publie ses premiers recueils Le fleuve de cendres, 1957, La flûte et le vent, 1961.
Sa poésie, qui part de l’expérience ontologique, dit la douleur tragique personnelle et collective. Dans une dimension universelle.
Tahar Bekri
«Soudain apparurent des Mages d’Occident guidés par une étoile… et lorsqu’ils virent l’enfant, ils se prosternèrent.»
O vous Mages d’Orient, avez-vous fait le tour
Des terribles océans vers les pays civilisés,
Pour voir quel Dieu
Apparaîtrait de nouveau dans la caverne ?
Ici commence le chemin, ici l’étoile,
La provision du voyageur
Suivant l’étoile de l’aventure,
A travers Paris…nous nous sommes enfermés dans les tours des idées,
Puis lors des fêtes du carnaval, dégoûtés de la pensée.
A Rome l’étoile s’est cachée, elle est brûlée
Par le désir des prêtres, dans le feu des encensoirs,
A Londres, nous l’avons perdue, égarés
Dans la fumée du charbon, cherchant les mystères du commerce
La nuit de Noël était sans étoile,
Les enfants sans le petit Jésus
Noël….à minuit…c’est l’ennemi,
Une avenue déserte…des rires tristes.
Descendus dans les bas-fonds maudits,
Dans les entrailles de la ville,
A ceux qui cherchaient des yeux, d’une porte à une autre,
Nous demandions où se trouve la caverne ?
Et sous la lumière rouge d’une lanterne, nous découvrions
Ecrit sur une porte :
« Le Paradis sur terre ! Ici, ni séduction de vipère,
Ni religieux jetant la pierre,
Mais les roses sans épines,
Et la nudité est pureté ! »
Alors dépouillez-vous de ces faux visages,
De la peau du caméléon maudit :
Quant à nous comment les enlever ?
Nous étions à Beyrouth ; tragiquement nés
Avec de faux visages et de faux cerveaux.
L’idée naît au marché comme une prostituée,
Et se fait une virginité au passage.
Dépouillez-vous de ces faux visages !
Comme tous les autres nous nous engouffrons
Dans la nuit des cimetières
Où s’allument les feux, se tortillent les coups
Dansant les flammes u rythme du magicien
Et où les ombres du plafond
Sans cristal, lustres et couleur bleue.
La pourriture coule
Sur les murs, comme le vin, l’or et la boue des ruelles,
Nos corps ivres…et liquides
Ne sont plus d’argile et d’eau,
Mais unis par les nerfs, le cœur et le sang.
« Vous êtes au paradis terrestre …
Une prière…Il y a le ciel sur la terre ! »
Nous nous prosternons dans l’alchimie
Et le sorcier
Qui a arrondi le paradis en nuits de cimetières,
Lui le dernier de la caverne que nous adorons,
O toi Dieu des fatigués !
Dieu des égarés !
O toi fuyant la mort par le soleil,
La frayeur de la certitude,
Pour te cacher dans la grotte,
Les cavernes des bas-fonds,
Des pays civilisés.
Traduit de l’arabe par Mansour Guissouma
Abdul Kader El Janabi, Le poème arabe moderne, Ed. Maisonneuve et Larose, Paris, 1999.