Tunisie : l’OTD entre l’urgence des réformes et les wishful thinking

Un conseil ministériel restreint (CMR) tenu mardi soir, 8 septembre 2024, au Palais de la Kasbah, sous la présidence du chef du gouvernement, Kamel Maddouri, a été consacré à l’examen de la situation de l’Office des terres domaniales (OTD) et des moyens permettant de promouvoir ses activités. Où en est aujourd’hui cette entreprise publique qui gère, plutôt mal, d’immenses terres agricoles parmi les meilleures du pays ?

Imed Bahri

Selon un rapport officiel sur les entreprises publiques, l’OTD présente, pour l’année 2019, un endettement de 148,8 millions de dinars (MDT), dont 49,4 MDT envers les caisses sociales et 48,5 MDT envers les banques. La même année 2019, il affiche un résultat négatif de -27,7 MDT et un résultat reporté de -144,9 MDT. Ces déficits se sont, sans doute, aggravés au cours des cinq dernières années, puisque les réformes structurelles tardent à être mises en œuvre et les blocages de toutes sortes persistent, sans parler d’une gestion à la petite semaine sans perspectives ni objectifs quantifiés.

«L’OTD embauche près de 4000 agents permanents (et presque autant de personnel saisonnier payé par les agro-combinats) et les frais du personnel représentent 84 MDT soit près de 50% des frais d’exploitation», note l’agronome Ridha Bergaoui dans un article publié dans Leaders. Il ajoute : «Les difficultés financières, l’importante charge du personnel et le manque d’investissement ont entrainé une dégradation des infrastructures, des bâtiments et des équipements et des conditions de travail difficiles et peu favorables à la production».

Voilà pour la réalité des choses. Pour les habituels inchallah et wishful thinking qui ne font pas manger leur homme, on se réfèrera au communiqué du Premier ministère rendant compte du CMR d’hier soir qui parle d’«un train de mesures visant à permettre à cette entreprise publique de s’acquitter au mieux de ses engagements financiers et partant, de renforcer sa disposition à relever les défis de la saison agricole 2024-2025», sans donner plus de précisions sur ces mesures ni sur les résultats que l’on en attend à court et moyen terme.

On apprend aussi qu’«il a été également convenu de parachever l’élaboration du plan d’affaires fin d’octobre courant, et ce, conformément à une vision stratégique ambitieuse qui table sur le développement des activités économiques de l’OTD, la promotion de son impact social et la modernisation de ses méthodes et mécanismes de production.»

Le communiqué parle vaguement de «mesures financières et structurelles visant dans leur substance à promouvoir le rôle de l’OTD, à préserver sa vocation sociale et économique et à développer sa rentabilité», laquelle rentabilité est aujourd’hui sujette à de sérieuses interrogations.

Que des promesses et des généralités qui n’engagent que ceux qui y croient ! Et qui signifient qu’on est encore au stade des «visions» et des «planifications», alors que les difficultés dont souffre l’OTD remontent au début des années 2000, ce dont témoignent les différents rapports d’institutions publiques de référence, comme la Cour des comptes. Et que les problèmes ont été dûment identifiés et des solutions préconisées par les experts et qui n’attendent que d’être mis en œuvre.

Il faut dire que le changement des ministres en charge des secteurs concernés (Agriculture, Domaines de l’Etat, Finance, etc.), pratiquement au rythme d’un ministre tous des deux ans depuis 2011, n’aide pas à garantir la continuité nécessaire pour la mise en œuvre des réformes.

Nous citons ici, à titre indicatif, les conclusions de l’article ci-haut cité de Ridha Bergaoui qui écrit : «L’OTD dispose d’une excellente équipe de techniciens bien formés et qui possède une très longue expérience en matière de conduite technique aussi bien des cultures que des élevages. Il sera toutefois nécessaire de recycler et de mettre à jour les staffs techniques pour les tenir au courant des avancées technologiques et améliorer l’efficacité de leur travail.»

Afin d’améliorer la gestion des terres domaniales non structurées, soit 157 000 ha, répartis sur 25 complexes agricoles (CA), 3 unités agroalimentaires et 2 centres avicoles, l’auteur souligne la nécessité d’assainir la situation financière des CA et annuler leurs dettes, de réorganiser ces CA en fermes à taille humaine plus faciles à gérer, de pousser vers la création de projets de partenariat public-privé, de revoir le décret n°2001-82 du 5 janvier 2001 pour plus d’autonomie technique et financière des CA et de motiver le personnel et le faire participer plus dans la gestion des CA.

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