Publié aux Éditions Wachma, à Tunis, en 2024, ‘‘Soli-loques d’a-mour’’, premier recueil de la poétesse tunisienne Rimel Bourkhis, signe une voix singulière, où le langage se fait presque tangible, oscillant entre souffle poétique et prose vibrante.
Djamal Guettala
Lire ce recueil, c’est pénétrer dans un univers où le désir se déploie comme une flamme secrète et où les mots prennent la densité de la chair. Rimel Bourkhis y sculpte ses textes avec une audace tendre : ils respirent comme des corps, s’enlacent comme des amants, se consument comme des étoiles filantes. Chaque écriture est une métamorphose : de la mémoire en caresse, de l’attente en vertige, de l’intime en universel.
Faire vibrer les mots
Rimel Bourkhis, fascinée depuis l’enfance par la musicalité des mots et la puissance des émotions, a choisi une écriture qui mêle sensibilité méditerranéenne et exploration des passions humaines. Sa pratique de la prose poétique lui a valu de nombreux honneurs : en 2010, elle a reçu le premier prix du Concours de poésie Charles Trenet, organisé par l’Association Mille Poètes et la Médiathèque du Grand Narbonne, pour le poème ‘‘Sel et poivre’’; en 2012, elle a obtenu le deuxième prix dans la même section pour ‘‘Chapelet’’. Ces distinctions témoignent de son talent à faire vibrer les mots au-delà des contraintes formelles, à transformer chaque texte en souffle et en émotion.
Dans ‘‘Soli-loques d’a-mour’’, cette démarche se traduit par des textes qui, tout en s’éloignant des structures poétiques traditionnelles, conservent une force rythmique et sensorielle exceptionnelle. Chaque texte devient une respiration, un murmure ou un cri qui traverse le lecteur et l’emporte dans la volupté de l’instant.
On constate ainsi, naturellement, que la plupart des textes relèvent d’une prose poétique : ils privilégient le flux des sensations et des émotions à la rigueur des vers classiques, mais cette liberté forme une puissance expressive qui intensifie le désir et l’érotique du langage.
Dire le fantasme
Il y a du feu dans ce livre. Pas seulement celui qui éclate dans des textes comme Incendie, où lèvres, doigts et corps se font flammes et tonnerres, mais aussi celui, plus discret, qui couve dans un silence, dans l’attente ou dans la nostalgie.
Rimel Bourkhis ose dire le fantasme, le rêve éveillé, l’amour au bord de l’éruption. Ses mots deviennent volcans, cascades, bougainvilliers en fête. Elle peint le désir comme on peint un tableau : par touches brèves mais flamboyantes, chaque image déborde de sensualité et de lumière.
Le recueil ne se limite pas à l’érotisme ou au désir brûlant : il explore aussi la fragilité et la vitalité de l’existence. Dans ‘‘Il m’arrive’’, l’auteure confie ses oscillations entre désarroi et ivresse de vivre : «Il m’arrive de me dire que la mort est plus facile que la vie ! Il m’arrive de mourir dans la cruelle fureur de vivre ! Il m’arrive de tomber dans un abîme ; celui de mon attente ou de sa déception ! Mais… il m’arrive de regarder le ciel, d’écouter le chant d’un oiseau, de caresser la joue d’un bébé, de marcher sous la pluie, de respirer l’odeur de la mer et la fragrance des roses ! Mais… il m’arrive de sentir que tout est fait pour être ivre : alors je danse au gré du vent comme un papillon entre les coquelicots et les marguerites des champs. Je cours comme un cheval en fougue… et je me sens enfin… en vie !»
Dans ces lignes, la prose poétique devient métamorphose : la peur, le vide et la mélancolie se transforment en énergie et en jouissance de l’instant. La sensualité, le désir et la vie se confondent, révélant une écriture où l’intime devient universel.
L’éphémère du désir
Chaque poème agit comme un miroir, faisant vibrer chez le lecteur ses propres émotions, ses désirs tus et ses souvenirs intimes. La liberté de la poétesse, son audace dans le langage et sa capacité à rendre tangible l’éphémère du désir en font un recueil à la fois profond et sensuel.
Rimel Bourkhis s’affirme ainsi comme une voix originale de la poésie contemporaine : capable de conjuguer l’intensité du sentiment, la musicalité du langage et la fluidité de la prose. ‘‘Soli-loques d’a-mour’’ n’est pas seulement à lire : il se vit, il se ressent et il laisse une empreinte durable sur le corps et l’âme du lecteur.
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