Nous reproduisons ci-dessous la lettre du poète marocain Abdellatif Laâbi à la jeunesse de son pays, qui manifeste depuis quelques jours, à l’initiative du collectif GenZ212, pour revendiquer des services publics d’éducation et de santé plus dignes. Ce texte est extrait du livre de l’auteur ‘‘Un autre Maroc’’ (Editions de la Différence, Paris, 2013).
Au-delà des souffrances que vous endurez, il y a une image que l’Histoire gardera de vous. Et elle sera lumineuse, croyez-moi.
Dans toutes les histoires particulières, ce sont les jeunes qui ont été à la pointe des combats pour la liberté. Ce sont eux qui ont consenti pour elle les plus lourds sacrifices. Grâce à vous, nous savons que les tyrannies ne sont pas éternelles. Elles peuvent manœuvrer, manipuler et acheter les consciences, mais elles finissent par s’écrouler à l’instar de n’importe quel édifice reposant sur des fondations corrompues, construit avec des matériaux volés.
Vous avez restitué son âme à une scène politique où la plupart des protagonistes avaient vendu la leur au diable, au pouvoir et à l’argent. Les rêves que vous portez en vous ne sont pas de ceux qui meurent car ils sont inscrits dans le noyau de l’identité humaine. Ils tiennent leur force de la nature qui nous englobe, elle dont le cycle des saisons ne saurait être interrompu et où l’hiver, les hivers préparent immanquablement le printemps.
J’ai eu moi aussi votre âge et me suis battu pour des rêves proches des vôtres *. J’ai traversé bien des épreuves et m’en suis relevé. Soixante ans après, je suis encore là à vous entretenir au nom de la liberté.
* Le poète fait ici allusion à son combat pour la liberté qui lui valut d’être emprisonné de 1972 à 1980, avant de s’exiler en France en 1985.
Donnez votre avis