Les exportations de la Chine ont bondi de 8,3 % en septembre par rapport à l’année précédente, dépassant les prévisions et la croissance d’août. Ses importations ont progressé de 7,4 %, signe que le moteur industriel du pays reste redoutable malgré les pressions exercées par Washington par le biais de droits de douane et de restrictions technologiques, indique le géant mondial du conseil financier deVere Group dans un rapport publié ce jeud1 16 octobre 2025.
Latif Belhedi
Ces performances chinoises, qui confèrent à Pékin un levier crucial dans sa confrontation commerciale avec les Etats-Unis et à Xi Jinping une langueur d’avance sur Donald Trump, surviennent alors que le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, laisse entendre que la suspension actuelle de trois mois des droits de douane pourrait être prolongée, mais seulement si la Chine abandonne son projet d’imposer de nouveaux contrôles stricts à l’exportation sur les terres rares. Ces ressources sont indispensables à l’industrie manufacturière mondiale, des véhicules électriques aux puces électroniques et aux systèmes d’armes de pointe.
Xi Jinping : 1 – Donald Trump : 0
Nigel Green, PDG de deVere Group, déclare : «Scott Bessent tente d’utiliser l’allègement tarifaire comme levier, mais le rebond des exportations de Pékin signifie que la pression est réciproque.» Il ajoute : «Xi Jinping a désormais la preuve que le moteur commercial de la Chine est résilient et que son gouvernement peut absorber les chocs extérieurs, tandis que les États-Unis cherchent encore un levier de négociation. »
Le bras de fer s’est intensifié depuis que Pékin a annoncé l’octroi de licences d’exportation massives pour les technologies des terres rares et des aimants, renforçant ainsi son emprise sur des chaînes d’approvisionnement que l’Occident ne peut pas encore remplacer.
La réaction de Washington a été immédiate : menaces de droits de douane de 100 %, nouvelles restrictions sur les logiciels chinois et discussions sur une coordination des alliés au sein du G7 pour dissuader la Chine de nouvelles restrictions.
«La guerre commerciale s’est transformée en une lutte de pouvoir pour le contrôle des matériaux et des technologies qui alimentent l’économie moderne», déclare Nigel Green. Qui explique : «Le message de la Chine est qu’elle peut dicter le rythme de la production mondiale. Le message de Washington est qu’elle est prête à risquer des difficultés économiques pour empêcher cette domination.»
L’Amérique de Trump dans l’impasse
Malgré l’impasse, la croissance des exportations chinoises est tirée par des marchés bien au-delà des États-Unis. Les expéditions vers l’Union européenne, l’Asie du Sud-Est, l’Afrique et l’Amérique latine affichent toutes une croissance à deux chiffres, témoignant de l’efficacité avec laquelle Pékin a diversifié ses routes commerciales.
Les exportations vers les États-Unis, en revanche, continuent de fortement diminuer, enregistrant une baisse de plus d’un quart sur un an, alors que la croissance globale des exportations chinoises reste robuste.
Nigel Green déclare : «La capacité de Pékin à conquérir de nouveaux marchés tout en résistant aux droits de douane américains est l’un des changements marquants de la décennie. Cela montre à quel point l’industrie manufacturière mondiale dépend encore des capacités, de la logistique et du pouvoir de fixation des prix de la Chine. Même en période de confrontation, le reste du monde ne peut pas facilement se désengager.»
Les marchés ressentent déjà la tension. La volatilité des devises s’est accrue, les prix des matières premières ont bondi et les investisseurs en actions réajustent leur exposition aux secteurs liés à l’industrie manufacturière mondiale.
«La prochaine phase de cette guerre commerciale façonnera la politique monétaire et le sentiment des investisseurs à l’échelle mondiale», déclare le PDG de deVere.
La Chine aborde le prochain cycle plus forte
Si les droits de douane augmentent et que les chaînes d’approvisionnement se fracturent, les pressions inflationnistes pourraient réapparaître au moment même où les banques centrales se préparent à assouplir leur politique. Cette combinaison pourrait créer à la fois des perturbations et des opportunités pour les portefeuilles. «Les périodes de tensions géopolitiques génèrent souvent des gains exceptionnels pour ceux qui sont positionnés en amont du cycle. Les pays et les entreprises capables de combler les déficits de production engendrés par les restrictions commerciales en sortiront les grands gagnants. Les investisseurs qui maintiennent une exposition diversifiée entre régions et classes d’actifs seront les mieux placés pour en tirer profit», analyse l’expert.
Pour l’instant, Pékin semble enhardi. Les données d’exportation renforcent son affirmation selon laquelle la Chine peut résister à toute escalade tarifaire et soutenir la demande mondiale. Washington, quant à lui, est confronté au dilemme de resserrer davantage sa politique sans déclencher d’inflation ni aliéner ses alliés qui dépendent des chaînes d’approvisionnement chinoises.
Nigel Green conclut : «Les chiffres de Pékin changent le ton des négociations. La Chine aborde le prochain cycle plus forte, et non plus affaiblie.» Quant aux États-Unis, ils «détiennent peut-être le plus grand marché de consommation au monde, mais la Chine prouve qu’elle contrôle toujours les usines du monde.»
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