Restructurer le FMI, c’est hausser les quotas et atrophier les quantas de la dette

Les membres du Fonds monétaire international (FMI) sont réunis à Marrakech, au Maroc, pour leur réunion annuelle. Cela se fait dans un contexte d’effondrement des mécanismes du multilatéralisme et des guerres qui ravagent l’Europe (Ukraine) ou le Moyen-Orient (Gaza). En tête de l’agenda de ce 16e examen, la question des quotes-parts du FMI. Tout indique que les négociations avancent bien. Mais à quels prix ? Éléments de réponses en 13 points…

Par Moktar Lamari *

1- Les membres du FMI n’ont pas modifié la taille totale et la répartition des quotes-parts depuis 2010. Une autre incapacité à parvenir à un accord à ce sujet mettrait davantage en péril le statut du FMI en tant qu’institution centrale du système monétaire international.

2- Plusieurs plaident pour restructurer le FMI et les mécanismes de vote et diktats qui régulent l’aide aux pays endettés et dans le besoin. Une perpétuation du statu quo affaiblirait la crédibilité et la capacité du FMI à servir de prêteur de dernier recours et de normalisateur mondial.

3- Les membres se réunissent régulièrement lors des réunions annuelles du FMI et déclarent rituellement que le prêteur devrait être une institution basée sur des quotes-parts. Mais la vérité aujourd’hui est que moins de 50% des ressources disponibles pour le FMI pour prêter proviennent de souscriptions à des quotes-parts. Un accord à Marrakech pour modifier les quotas nécessite un compromis sur plusieurs impasses qui ont conduit à une impasse des négociations depuis plus d’une décennie.

4- La première impasse consiste à réduire la dépendance du FMI à l’égard des fonds empruntés. Cela serait accompli par une augmentation des quotes-parts totales suffisamment importantes pour permettre la résiliation des accords d’emprunt bilatéraux temporaires du fonds – qui s’élèvent aujourd’hui à 15% de sa capacité de prêt – sans réduire les ressources potentiellement disponibles pour prêter. Le FMI aurait toujours sa capacité d’emprunt semi-permanente pour renforcer ses ressources financières, connues sous le nom de nouveaux arrangements d’emprunt.

5- La seconde impasse est la réforme de la formule qui est le point de départ des examens des quotas. Les marchés émergents et les pays en développement reprochent à la formule actuelle l’inéquitable partage des quotes-parts et des droits de vote plus importants des pays avancés (qui sont basées sur les quotes-parts). Le système de veto est basé sur les quotas inégalement répartis.

6- La troisième impasse est la redistribution des quotes-parts et des actions avec droit de vote en direction des pays membres à croissance plus rapide et à influence grandissante. La Chine a le plus grand écart entre sa part réelle des quotes-parts et ce qu’elle aurait si la formule actuelle lui était appliquée. La Chine est de facto pénalisée dans le contexte des droits de vote au sein du FMI.

7- Aujourd’hui, la part de quota des Etats-Unis est de 17,43%, et sa part avec droit de vote est de 16,50%. Par conséquent, l’Amérique doit accepter toutes les décisions importantes du FMI, y compris toute modification des quotes-parts. En revanche, que cela nous plaise ou non, tout accord doit satisfaire le Trésor américain. Et le Trésor américain n’est pas tendre, ni compréhensif, dans le contexte des tensions avec la Chine, la Russie, le Moyen-Orient.

8- La Chine détient la troisième part en importance dans le fonds après les États-Unis et le Japon. La part combinée des membres de l’Union européenne (UE) est largement supérieure à celle de n’importe quel pays. Les principaux membres du FMI doivent faire des compromis pour assurer le succès de la réunion à Marrakech. Sont-ils capables? Jusqu’où peuvent-ils aller?

9- Un compromis devrait commencer par un accord sur une augmentation proportionnelle du quota de chaque pays membre d’au moins 40%.

Cela ajouterait des ressources de quotes-parts suffisantes des membres du FMI occupant des positions extérieures solides pour permettre l’expiration des accords d’emprunt bilatéraux de l’institution. Cela ramènerait également le reste des ressources du FMI à une dépendance majoritaire à l’égard des quotes-parts.

10- Les marchés émergents et les pays en développement abandonnent leur insistance sur une révision de la formule des quotas dans le cadre de cet examen. Une augmentation proportionnelle de toutes les quotes-parts augmenterait la capacité de ces membres à emprunter davantage auprès du FMI. Un échec de l’examen des quotes-parts gèlerait la portée actuelle de leurs emprunts. Une telle augmentation des quotas, profiterait à des pays sur le bord de la faillite, une vingtaine, dont la Tunisie.

11- Le troisième élément est un accord sur des augmentations sélectives, ou ad hoc, des quotas des membres qui ont un quota atypique dans de la formule actuelle. La taille combinée de ces augmentations sélectionnées ne doit pas menacer la part des droits de vote des États-Unis, sinon Washington bloquera le compromis.

12- Selon la formule actuelle, les quotes-parts de 25 membres du FMI devraient être au moins 50% plus élevées que leurs quotes-parts actuelles, menées par la Chine. Si les 25 pays recevaient des augmentations sélectives des quotas qui comblent la moitié de l’écart, l’augmentation totale réduirait la part des droits de vote des États-Unis à près de 15%.

En outre, les États-Unis ont clairement indiqué qu’ils ne soutiendraient pas une augmentation de la quote-part d’un membre à moins que ce pays ne respecte les règles et les normes du FMI, ce qui, selon les États-Unis, la Chine ne le fait pas. La Tunisie aussi n’a pas bonne presse au sein du FMI.

13- Pour lever cet obstacle, la Chine devrait accepter de ne pas accepter l’augmentation sélective de son quota à laquelle elle aurait autrement droit, et les États-Unis devraient soutenir le compromis. En conséquence, la Chine et les États-Unis pourraient s’attribuer le mérite d’avoir évité une nouvelle impasse à Marrakech.

* Economiste universitaire, Canada.

Blog de l’auteur : E4T.

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