Réuni vendredi 2 février 2024, le conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a rappelé à l’ordre le gouverneur de la BCT, Marouane Abassi, en soulignant dans un communiqué que le mandat de l’Institut d’émission est de veiller à la stabilité des prix et qu’il doit rester vigilant quant aux répercussions latentes de l’octroi de facilités au profit de la Trésorerie, que M. Abassi avait été «vendre», quelques jours plus tôt, à l’Assemblée en en minimisant les effets négatifs sur la politique monétaire.
Le CA de la BCT a indiqué, dans son communiqué, avoir pris connaissance du projet de loi portant autorisation à la BCT d’octroyer des facilités au profit de la Trésorerie, mettant l’accent sur l’importance d’assurer la stabilité macroéconomique et financière afin de renouer avec une croissance saine et durable. Il a, à cet égard, appelé à la nécessité d’entamer «les réformes qui s’imposent», réformes qui, faut-il le rappeler, le gouvernement s’entête à ne pas vouloir mettre en œuvre compte tenu de leurs impacts sociaux.
Lors d’une séance d’audition organisée, mercredi, par la commission parlementaire des Finances et du Budget et consacrée à ce projet de loi, le gouverneur de la BCT, Marouane Abassi avait fait savoir que le prêt de 3000 millions de dinars (MDT) – sur 10 ans avec un taux d’intérêt nul – que le gouvernement compte contracter auprès de l’Institut d’émission n’exacerbera pas l’inflation, mais entraînera une baisse des réserves en devises de 14 jours d’importation. Il a aussi admis que ce prêt aura «une incidence sur le taux de change», euphémisme pour dire qu’il accélèrera le glissement du dinar, donc, forcément, dopera l’inflation, contrairement à ses affirmations.
A fin janvier 2024, les réserves de change ont atteint 25,9 milliards de dinars (ou 118 jours d’importation), contre 22,4 milliards et 97 jours, une année auparavant, selon la BCT.
Au cours de cette même séance, la ministre des Finances, Sihem Nemsia a indiqué que ce prêt de 3000 millions de dinars permettra de rembourser la dette au titre d’emprunts obligataires émis sur le marché international en février 2017, et qui arrive à échéance le 16 février courant.
Le projet de loi autorisant exceptionnellement la BCT à accorder des facilités au profit du trésor public permettra à l’Institut d’émission d’accorder au gouvernement des avances, en cas de besoin, a dit Nemsia, ajoutant que ce texte de loi prévoit d’approuver une autorisation exceptionnelle à la BCT en vue d’accorder des facilités au Trésor public d’une valeur de 7 milliards de dinars, remboursable sur une période de 10 ans sans intérêts, et avec une période de grâce de trois ans. Cette enveloppe servira à financer une partie du déficit budgétaire au titre de l’exercice 2024.
Traduire : l’Etat va continuer à s’endetter pour… payer ses dettes antérieures, et nullement pour financer l’économie, redresser les entreprises publiques, dont l’écrasante majorité est en quasi-faillite, et relancer l’investissement public en berne, comme on l’aurait souhaité.
C’est cette gestion au jour le jour et au bord du précipice que le gouvernement nous vante aujourd’hui en se félicitant, comme le fait Mme Nemsia, en en tirant une certaine fierté, que la Tunisie est en train de payer toutes ses dettes. Notre argentière nationale ne se pose cependant pas la question de savoir à quel prix ces dettes sont-elles payées : celui de l’hypothèque de l’avenir des Tunisiens.
I. B. (avec Tap).
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