Rafika Inoubli, éducatrice et écrivaine, vient de publier son second roman ‘‘Impasses’’ (éditions Arabesques, Tunis 2023, 150 pages) dont l’action se déroule dans la médina de Tunis dans les années 1940-60 du siècle dernier. (Rafika Inoubli avec son éditeur, Moncef Chebbi).
Par Imed Bahri
Le premier roman de l’auteure, ‘‘Je voulais vous dire…’’ a obtenu en 2021 le prix Zoubeida Béchir pour la création littéraire décerné par le Credif, et on peut lui souhaiter un second couronnement pour ce second roman, publié à 73 ans, et qui se lit avec beaucoup de plaisir. Car au-delà (ou en dépit) de sa facture classique, tant au niveau de la construction romanesque que du style d’écriture, alliant simplicité et sobriété, ‘‘Impasses’’ s’impose par la beauté de ses atmosphères intimistes et la justesse de la narration qui, à travers les destins croisés d’une foule de personnages, scrute leurs motivations les moins avouables entre rumeurs, chuchotements et non-dits.
Déroulant son récit, comme une fresque sociale, Rafika Inoubli nous promène à travers les ruelles et les impasses de la médina de Tunis, où, derrière les murs silencieux badigeonnés de blanc et les portes bleues ou jaunes hermétiquement fermées, des hommes et des femmes se démènent, menant une vie apparemment tranquille, mais que rythment des passions inassouvies, des incompréhensions et même parfois des frustrations et des drames.
Il y a, bien sûr aussi, comme dans tout roman, l’amour, que l’on trouve souvent au tournant d’une rue, sans vraiment le chercher, l’amour donné mais pas toujours partagé, l’amour des femmes cloîtrées pour des hommes lunatiques, fuyants, parfois égoïstes, mais toujours attachants par leurs faiblesses mêmes.
Avec des petites touches délicates, et sans trop s’y attarder, l’auteure observe la société tunisienne du milieu du siècle dernier qui, au sortir de la seconde guerre mondiale et en pleine lutte de libération nationale, apprend à se libérer peu à peu de ses mœurs désuètes, de ses préjugés éculés et des chimères d’un passé pas encore passé tout en se projetant dans un futur qui tarde à venir. Et dans cette quête éperdue de libération, ce sont les femmes, soumises au poids des traditions, qui souffrent le plus, mais qui luttent avec courage pour briser les carcans qui les enferme.
Ainsi, à travers les destins de Aichoucha, Beya, Jamila, Zbeida ou autres Nour El-Houdi, laquelle rêve de devenir une star de la chanson dans une société étriquée et qui a peur de ses propres audaces, Rafika Inoubli nous raconte, dans un incessant entrecroisement, les destins d’hommes tout aussi attachants, à l’instar de l’instituteur Hédi ou du libraire El-Hamed, qui se cherchent et parfois se perdent dans les méandres d’une histoire qu’ils subissent, et peinent à en être de vrais acteurs.
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