Meloni aujourd’hui à Tunis pour quoi faire ?

Tout est prêt à Tunis pour la mission éclair de Giorgia Meloni prévue dans la matinée du mercredi 17 avril 2024. Le Premier ministre italien est accompagnée du ministre de l’Intérieur, Matteo Piantedosi, et de son collègue de l’enseignement supérieur et de la Recherche, Anna Maria Bernini.

Après la rencontre avec le président de la république Kaïs Saïed, au Palais de Carthage, Meloni se rendra à Bruxelles pour participer au Conseil européen, mercredi 17 et jeudi 18 avril.

Il y a au moins deux sujets au centre des discussions : les flux migratoires irréguliers vers l’Italie, qui ont connu une forte augmentation le mois dernier, et le rôle que peut jouer la Tunisie dans le Plan Mattei lancé par le gouvernement pour le développement de l’Afrique.

L’entretien de Meloni avec Saïed pourrait être l’occasion de faire le point sur le protocole d’accord entre l’Union européenne (UE) et la Tunisie signé en juillet dernier et qui prévoit, entre autres, un soutien financier supplémentaire, une formation et un appui technique nécessaires pour améliorer la gestion des frontières tunisiennes.

Les discussions pourraient également porter sur le nouveau règlement sur la gestion de l’asile et des migrations, ratifié par le Parlement européen le 10 avril, qui introduit des règles plus strictes pour les demandeurs d’asile et des expulsions plus faciles vers les pays tiers d’où ils partent le plus souvent pour atteindre l’Europe, notamment la Tunisie.

Formation pour l’emploi

Au moins 16 090 migrants sont arrivés irrégulièrement en Italie entre le début de l’année et le 15 avril, soit une diminution de 51,97% par rapport à la même période de 2023, où 33 499 personnes sont arrivées par voie maritime sur les côtes italiennes.

Les autorités tunisiennes, de leur côté, ont annoncé avoir intercepté en mer et ramené à terre, depuis le début de l’année 2024, au moins 12 764 migrants, pour la plupart des citoyens originaires de pays d’Afrique subsaharienne. Au total, cependant, les autorités tunisiennes ont affirmé avoir déjoué 407 «tentatives illégales de franchissement des frontières maritimes» depuis le début de l’année. Ces questions seront probablement au centre de la rencontre de Matteo Piantedosi avec son homologue tunisien, Kamel Feki.

Il ne faut pas non plus sous-estimer la participation de Bernini à la mission italienne. Un protocole d’accord devrait en effet être signé pour renforcer la coopération universitaire et scientifique entre les deux pays, encourager l’échange d’informations entre les établissements d’enseignement supérieur et les organismes de recherche, promouvoir l’enseignement des langues, littératures, cultures et histoires des deux pays. Il s’agit aussi de faciliter l’accès aux infrastructures de recherche dans les deux pays. Un secteur de l’éducation, qui est l’un des cinq piliers du Plan Mattei, est fondamental pour désamorcer l’émigration illégale et favoriser des flux migratoires réguliers et contrôlés.

Un pont énergétique

A cet égard, il convient de souligner le récent succès d’un projet pilote de formation d’une quarantaine de travailleurs tunisiens. En effet, pour répondre aux besoins italiens de main d’œuvre et aux besoins d’emploi tunisiens, 38 jeunes Tunisiens ont suivi une formation en Tunisie et seront embauchés en Italie dans des entreprises de construction actives sur les chantiers grâce aux fonds du PNRR. Un projet plus vaste, qui vise à amener 2000 travailleurs tunisiens en Italie sur 36 mois, en est à ses débuts et bénéficiera d’un financement de l’UE.

Pour l’ambassadeur d’Italie à Tunis, Alexandre Prunas, la communauté italienne en Tunisie, avec environ 900 entreprises actives dans le pays, contribue «de manière décisive à la croissance économique d’un pays ami» et les relations entre les rives de la Méditerranée «deviendront de plus en plus importantes» avec le projet Elmed, l’interconnexion électrique par câble qui reliera le Cap Bon à la Sicile. «Les Italiens en Tunisie sont historiquement présents depuis au moins deux siècles, sinon plus. Il s’agit d’une communauté extrêmement active, très bien connectée, qui contribue aujourd’hui également de manière décisive à la croissance économique de ce pays ami. N’oublions pas qu’il existe environ 900 entreprises italiennes opérant en Tunisie, créatrices de richesse et offrant plusieurs dizaines de milliers d’emplois directs, sans compter les emplois indirects générés par l’ensemble de l’industrie», a expliqué l’ambassadeur Prunas dans une récente interview accordée à l’agence Nova.

Le «pont énergétique» en construction entre l’Italie et la Tunisie (créé pour la partie italienne par Terna) devrait être opérationnel dès 2027 et pourrait aider le pays d’Afrique du Nord à développer l’énergie à partir de sources renouvelables, actuellement bloquée au maigre taux de 4,7% de la production totale, y compris l’énergie hydroélectrique et éolienne.

Le projet pourrait également contribuer à atténuer la crise de l’eau et encourager le développement d’une agriculture durable. Pour l’instant, ce n’est qu’une idée, un renversement de perspective du projet d’infrastructure qui se déroulera entre la centrale électrique de Partanna, en Sicile, et celle de Mlaabi, sur la péninsule du Cap Bon, sur une longueur totale d’environ 220 kilomètres (dont environ 200 km de câble sous-marin), d’une puissance de 600 MW et d’une profondeur maximale d’environ 800 mètres, atteint le long du canal de Sicile. Mais c’est aussi une possibilité réelle, une opportunité pour permettre à la Tunisie, souffrant d’une pénurie chronique de ressources en eau, de développer des usines de dessalement pour le traitement des eaux très salées, qui nécessitent une énorme quantité d’électricité.

La société italienne We Build, un leader mondial dans la construction de dessalinisateurs, pourrait être mise à contribution dans ces projets visant à lutter contre la sécheresse et le stress hydrique.

L’Italie est désormais le principal fournisseur sur le plan commercial de la Tunisie, un record qui dure depuis plusieurs années. Selon les chiffres de l’Institut national de la statistique (INS), les exportations de «Made in Italy» dans ce pays d’Afrique du Nord se sont élevées à 1,376 milliard de dinars (correspondant à environ 411 millions d’euros) au cours des deux premiers mois mois de l’année en cours, en baisse de 12,8% par rapport à la même période de l’année précédente mais toujours en avance sur les autres pays concurrents.

Les importations italiennes en provenance de Tunisie se sont élevées, quant à eux, à 1,965 milliard de dinars tunisiens (environ 590 millions d’euros), en hausse de 9,3% par rapport aux deux mêmes mois de l’année dernière.

Le solde de la balance commerciale est donc de 590 millions de dinars tunisiens (correspondant à 176 millions d’euros) en faveur de la Tunisie.

Ces données confirment une tendance consolidée également en 2023 : Rome aide Tunis à surmonter ses difficultés économiques et financières sans perdre sa position sur le marché. Ce dernier thème pourrait être à l’ordre du jour de la mission de Meloni.

Le premier partenaire commercial de la Tunisie reste cependant la France, avec une valeur d’échange de 3,702 milliards de dinars (correspondant à 1,105 milliard d’euros). Mais il convient de souligner que ce résultat est dû à une communauté de Tunisiens dans ce pays européen de près d’un million d’habitants (contre environ 300 000 Tunisiens en Italie) qui génèrent une demande de produits typiques.

Il est intéressant de noter que la Chine apparaît à la quatrième place du classement des partenaires économiques de la Tunisie, avec une valeur commerciale de 1,233 milliard de dinars (correspondant à 368 millions d’euros) enregistrée au cours des deux premiers mois de 2024 : un chiffre composite pour la quasi-totalité des exportations chinoises, d’une valeur égale à 1,222 milliard de dinars (ce qui équivaut à 365 millions d’euros) et un solde de la balance nettement déséquilibré en faveur du pays d’Extrême-Orient pour 1,212 milliard de dinars (362 millions d’euros environ).

Il convient aussi de souligner le résultat notable des exportations russes, qui sont passées de 416 millions de dinars au cours des deux premiers mois de 2023 (124,5 millions d’euros) à 1,045 milliard de dinars (310 millions d’euros), soit une augmentation de plus de 150% sur un an.

A noter également que les derniers indicateurs économiques publiés par la Banque centrale de Tunisie (BCT) font état d’une relative amélioration de la croissance du PIB au premier trimestre 2024. L’activité économique a bénéficié, en particulier, de la reprise progressive de la dynamique observée du secteur agricole au premier trimestre 2024 , après une contraction historique de 11% en 2023, qui a soustrait plus d’un point de pourcentage à la croissance économique annuelle.

De plus, la croissance des exportations de marchandises et des arrivées de touristes au cours des deux premiers mois de cette année a contribué à la croissance. Ce n’est pas un hasard si l’agence de notation Moody’s a récemment amélioré la perspective de la Tunisie de «négative» à «stable», tout en maintenant une notation à long terme en devises et en monnaie locale de « Caa2 » (risque de crédit très élevé).

Traduit de l’anglais.

Source : Nova News.

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