Pendant la longue et très toxique phase des élections législatives indiennes qui a duré deux mois, l’islamophobe notoire Narendra Modi, grand ami du génocidaire Benjamin Netanyahu et du xénophobe Donald Trump, s’est présenté comme une divinité! On peut croire que l’on nage en plein délire sauf que c’est sa stratégie électorale.
Imed Bahri
Pour détourner les électeurs des taux d’inflation élevés et du chômage de masse en dépit d’une croissance économique élevée captée seulement par une oligarchie proche du pouvoir, Modi combine un nationalisme hindou qui cible les musulmans comme une menace existentielle tout en se présentant comme une divinité salvatrice.
Sous le titre «Le point de vue du Guardian sur les élections indiennes: l’audace de Narendra Modi pour répandre la haine», le journal britannique a confirmé dans son éditorial que «le Premier ministre indien encourage la croyance en sa divinité ce qui amène ses partisans à croire que le but (prétendu) du dieu est de répandre la peur et la haine.»
Le Guardian a souligné au début de son éditorial que les règles électorales indiennes soulignent «qu’aucun parti ou candidat ne peut s’engager dans une activité susceptible d’exacerber les différences existantes, de créer une haine mutuelle ou de provoquer des tensions entre différentes castes et communautés religieuses ou linguistiques.» Et il s’interroge: Est-ce que quelqu’un a dit cela à Narendra Modi? Tout en notant que le Premier ministre indien a eu recours ouvertement à un langage anti-islamique au cours de la campagne de deux mois, en décrivant les 200 millions de musulmans de l’Inde «comme une menace existentielle pour la majorité hindoue».
Le journal poursuit ainsi: «Il est risible que l’organisme chargé de mener des sondages d’opinion libres et équitables ait déjà lancé un faible appel à la retenue de la part des activistes stars. Il a déclaré qu’avec la publication des résultats des élections indiennes la semaine prochaine, un commentateur a averti que Modi avait fait des musulmans indiens une cible et détourné la colère des communautés hindoues pauvres et marginalisées des capitalistes proches du pouvoir et des classes supérieures privilégiées».
Une nation hindoue unifiée contre les musulmans
Le Guardian souligne que le discours de Modi vise à détourner l’attention des électeurs qui souffrent de taux d’inflation élevés et de pénuries d’emplois malgré une croissance économique rapide. La stratégie politique poursuivie par son parti Bharatiya Janata consiste à insister sur les menaces qui pèsent sur la civilisation hindoue et la nécessité d’une nation hindoue unifiée contre les musulmans. Cependant, Modi a combiné ce nationalisme hindou avec l’idée qu’il était envoyé par Dieu. Le chef de l’opposition Rahul Gandhi du parti du Congrès (fils de Rajiv Gandhi, petit-fils d’Indira Gandhi et arrière-petit fils de Nehru), son principal adversaire, a affirmé que «toute personne faisant de telles allégations devait consulter un psychiatre.»
Le Guardian poursuit en ces termes: «Karl Marx a écrit que la religion est l’opium du peuple. Cette pensée résonne encore dans les endroits où la religion organisée reste une force influente. C’est pourquoi Donald Trump prétend également faire l’œuvre de Dieu. En Inde, les pauvres se tournent souvent vers les politiciens comme des dieux de secours pour les apaiser de la douleur de la réalité.» Et de poursuivre: «En prétendant être un dieu, Modi fidélise les électeurs et encourage la croyance que le but (prétendu) du dieu est de cibler les minorités, d’interdire la dissidence et de traiter durement les protections constitutionnelles.»
Il est décevant de penser que Modi remportera une troisième victoire électorale. Il n’y a guère de consolation à penser que le parti nationaliste ultra-hindou Bharatiya Janata (BJP) pourrait ne pas atteindre l’objectif de Modi de remporter près des trois quarts des 543 sièges parlementaires du pays. Les investisseurs étrangers pourraient retirer leur argent du marché boursier indien invoquant l’incertitude quant aux résultats.
Une société de classes où les divisions sont encouragées
Le journal a rapporté qu’il y a dix ans, Modi avait promis que l’emploi serait sa priorité absolue. Cependant, les taux de chômage ont à peine bougé même si l’Inde est la grande économie à la croissance la plus rapide au monde. Les quatre cinquièmes des chômeurs sont des jeunes. Un plus grand nombre de femmes en âge de travailler sont employées en pourcentage de la population active au Népal et au Bangladesh qu’en Inde. Les fruits de la croissance vont aux riches indiens qui proviennent presque exclusivement des classes supérieures du pays et qui soutiennent le parti Bharatiya Janata.
Sans surprise, sous Modi, les inégalités en Inde ont atteint le plus haut niveau jamais enregistré.
Le Guardian a souligné que «réduire ces écarts n’est pas seulement une nécessité morale mais aussi une condition nécessaire à la croissance économique». Le développement humain est le résultat d’une coopération sociale qui devient plus difficile dans une société de classes où les divisions sont encouragées.
Un rapport du Global Inequality Lab de Thomas Piketty (le célèbre économiste français) propose d’imposer un impôt sur la fortune et des droits de succession annuels à 370 000 Indiens qui gagnent 1,2 million d’euros par an et qui possèdent actuellement plus d’un quart de la richesse totale du pays. Le journal souligne que «les auteurs du rapport soulignent que les recettes de cette taxe devraient servir à doubler les dépenses publiques actuelles en matière d’éducation, qui stagnent au niveau de 2,9% du PIB au cours des quinze dernières années».
«La réduction des inégalités était un élément de la campagne de Rahul Gandhi et c’est tout à son honneur», rapporte le journal. «Mais le problème pour l’Inde est que Modi (qui se réclame comme divinité) a le talent de transformer la colère et la peur en pouvoir politique.»
L’éditorial du Guardian n’est pas le premier car il a été précédé par des articles documentés dans le même journal et dans d’autres journaux internationaux ou indiens courageux (même s’ils sont peu nombreux) ainsi que par des faits et des preuves sur le terrain condamnant la rhétorique et les pratiques de Modi et de son parti extrémiste hindou hostile à l’islam et aux musulmans et ceci s’est dangereusement accrue avec les attaques contre les musulmans en particulier. Leurs mosquées historiques ont été transformées en temples hindous. La minorité chrétienne est également prise pour cible et ses églises sont incendiées et détruites.