Kaïs Saïed a du mal à accepter les coupures d’eau dans certaines régions du pays, estimant que la ressource est disponible en quantité suffisante et que ces coupures sont le fait de lobbys qui noyautent l’Etat. Et menace de poursuites judiciaires les responsables de cette situation. Vidéo1 – Vidéo2
Imed Bahri
Le président de la république a réitéré cette thèse en rencontrant, hier soir, lundi 29 juillet 2024, un groupe de citoyens à Ouled Salah, Sidi Alouane et Karkar (gouvernorat de Mahdia), localités soumises aux coupures fréquentes d’eau. Et en rencontrant aussi, dans la même soirée, au Palais du Gouvernement de la Kasbah, le Premier ministre Ahmed Hachani.
Les dysfonctionnements constatés dans les services publics «ne sont pas normaux» a lancé le chef de l’Etat, tout en en imputant la responsabilité à des «responsables qui n’assument pas leurs responsabilités» et à des «poches de résistance au sein de l’administration dont l’heure a sonné, d’autant qu’elles font allégeance à des lobbys», a-t-il souligné sur un ton menaçant. C’est ce qui ressort de la vidéo de la rencontre diffusée ce matin, mardi 30 juillet, sur les pages de la présidence.
Des actes criminels
«Les coupures d’électricité et d’eau dans certaines régions sont des actes criminels», a encore souligné Saïed, en imputant ces coupures aux «campagnes électorales de certains visant à porter atteinte à l’Etat et à la paix civile», a-t-il dit, faisant allusion à certains de ses opposants qui, selon son analyse, seraient au service de lobbys ayant noyauté l’administration publique.
Le chef de l’Etat a critiqué le laxisme des responsables locaux, régionaux et même centraux : «Nous n’avons pas besoin de responsables régionaux qui ne sont pas au courant des coupures d’eau et d’électricité dans plusieurs régions», a-t-il insisté, en faisant part de son étonnement face au timing de ces coupures qui coïncident, selon lui, avec le début de la campagne électorale de certains candidats à la présidentielle du 6 octobre prochain, sans préciser les noms de ces derniers. «Ces gens ne peuvent vivre que dans les bras de la colonisation et de l’allégeance à l’étranger», a lancé Saïed. «Ils sont dans un état d’aliénation, de perdition et d’inconscience», a-t-il enchaîné.
«Il y a des gens qui font de fausses promesses et dont le seul souci est de prendre le pouvoir même sur les cadavres des Tunisiens», a martelé le président, insistant, en citant des articles de la Constitution de 2022 qu’il avait lui-même fait promulguer, sur le sens de la fonction exécutive du président de la république, insistant sur le fait que ce dernier décide des politiques générales de l’Etat et est responsable de la cohérence de ces politiques, mais il est aidé dans sa mission par le chef du gouvernement qui est censé les mettre en œuvre. «Les membres du gouvernement doivent comprendre cela», a-t-il déclaré, reprochant à ces derniers, quoique à demi-mot, de ne pas assumer pleinement leurs fonctions et de se défausser de leurs manquements sur le chef de l’Etat.
Des poursuites judiciaires
La précédente constitution, celle de 2014, a démantelé l’Etat tunisien, dans le cadre d’une manœuvre sioniste visant à détruire les Etats de l’intérieur, a aussi déclaré Saïed, faisant allusion aux experts étrangers qui avaient influé les choix de l’Assemblée nationale constituante (ARP) ayant instauré un Etat à trois têtes, ou «trois présidences» : de la république, du gouvernement et du parlement. «Ceux qui aujourd’hui regrettent cette constitution y étaient pourtant opposés en 2013 et ont même organisé un sit-in» devant le siège de l’Assemblée au Bardo pour empêcher sa promulgation. «Aujourd’hui, ils veulent y revenir avec l’appui de certains lobbys», a déclaré le président, ajoutant que ces derniers «n’échapperont pas aux poursuites judiciaires et seront jugés rapidement».
«Il y a une machine qui a commencé à manœuvrer pour porter atteinte à l’Etat et à la paix en son sein, mais nous n’abandonnerons pas l’Etat parce qu’il n’est pas à vendre ou à louer. Et quiconque a commis un crime aux dépens de l’Etat doit être jugé le plus rapidement possible, la loi devant être appliquée sans plus tarder à tous les criminels», a conclu le chef de l’Etat sur un ton menaçant, annonçant ainsi de nouveaux procès à venir.