L’administration Trump a lancé, depuis le samedi 16 mars 2025, une campagne contre les Houthis au Yémen. Des responsables militaires américains ont affirmé qu’il s’agissait de la première salve d’une campagne visant l’arsenal militaire du groupe armé pro-iranien. Cette campagne pourrait durer plusieurs semaines d’autant plus que l’arsenal en question est enfoui sous terre. Les responsables américains estiment que cette campagne militaire pourrait entraîner la perte de contrôle par les Houthis de vastes parties du territoire qu’ils contrôlent. Reste à savoir, pourquoi ce timing? Le tour des Houthis est-il venu après le Hezbollah et Bachar Al-Assad ou bien est-ce un signal envoyé à Téhéran qui refuse de négocier avec Washington avec le couteau de Trump sous la gorge?
Imed Bahri
Le New York Times indique dans une enquête préparée par Eric Schmidt et Jonathan Swan que la série de raids a commencé contre une série de dizaines de cibles. Cela marque le début d’une nouvelle offensive contre les Houthis et envoie un message fort à la République islamique d’Iran alors que le président Trump tente de la forcer à conclure un accord concernant son programme nucléaire.
Samedi, le Yémen a été la cible d’attaques aériennes et navales après que le président Trump a ordonné des frappes contre les défenses aériennes, les systèmes de missiles et les drones du mouvement chiite yéménite afin de rouvrir les voies de navigation en mer Rouge perturbées par les attaques des Houthis. Un chef du groupe a également été pris pour cible.
L’administration Biden avait lancé un certain nombre de frappes aériennes contre les Houthis mais n’avait pas réussi à rétablir la stabilité dans la région. Selon des responsables américains, les dernières frappes constituent l’action militaire la plus importante annoncée par la nouvelle administration et se veulent un avertissement clair à Téhéran.
«L’Amérique vous demandera des comptes»
Trump a été clair dans ses déclarations sur sa plateforme Truth Social dans lesquelles il a annoncé ces frappes: «En Iran, le soutien aux Houthis doit cesser immédiatement. Ne menacez ni le peuple américain ni son président, qui a reçu le mandat présidentiel le plus important de l’histoire ni les voies maritimes mondiales. Si vous le faites, soyez prudents, car l’Amérique vous demandera des comptes».
Les responsables américains ont déclaré que les frappes aériennes contre l’arsenal des Houthis dont une grande partie est enfouie profondément sous terre pourraient se poursuivre pendant plusieurs semaines et que les frappes augmenteront en fonction de la réponse des Houthis.
Les agences de renseignement américaines ont jusqu’à présent eu du mal à localiser les systèmes d’armes des Houthis que le mouvement produit dans des usines clandestines.
Des responsables américains ont déclaré que certains conseillers à la sécurité nationale souhaitaient lancer une campagne plus agressive qui pourrait conduire les Houthis à perdre le contrôle de vastes zones du nord du pays. Cependant, Trump n’a pas encore annoncé cette stratégie craignant qu’elle n’entraîne les États-Unis dans un conflit généralisé au Moyen-Orient qu’il s’était engagé à éviter pendant sa campagne.
Le journal américain ajoute que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait fait pression sur Trump pour qu’il autorise une opération conjointe américano-israélienne visant à détruire les installations nucléaires iraniennes profitant de la vulnérabilité des défenses aériennes iraniennes après une campagne de bombardements israélienne en octobre qui avait démantelé des infrastructures militaires vitales.
Cependant, Trump, qui hésite à s’engager dans une guerre majeure, a jusqu’à présent résisté à la pression des faucons israéliens et américains pour saisir l’opportunité de frapper les sites nucléaires iraniens.
En solidarité avec Gaza, suite à l’opération Déluge d’Al-Aqsa le 7 octobre 2023 et à la guerre d’Israël contre Gaza, les Houthis ont ciblé des navires commerciaux liés à Israël et passant par la mer Rouge, ciblant ainsi plus de 100 navires.
Les Houthis ont cessé leurs attaques suite à un accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël en janvier. Cependant, le mouvement a annoncé la reprise de ses attaques contre les navires commerciaux après qu’Israël a rétabli un blocus total sur Gaza ce mois-ci, empêchant l’aide humanitaire d’atteindre plus de deux millions de personnes.
«Vos attaques doivent cesser dès aujourd’hui»
Le NYT affirme que les récentes attaques du mouvement ont provoqué la colère de Trump notamment après qu’elles aient ciblé un F-16 survolant la mer Rouge même si elles l’ont manqué. Un drone MQ-9 américain a disparu le jour où les Houthis ont annoncé qu’ils en avaient abattu un.
Trump a écrit sur sa plateforme Truth Social: «À tous les terroristes houthis, votre heure est venue et vos attaques doivent cesser dès aujourd’hui».
Les premières frappes aériennes ont touché un quartier de la capitale Sanaa où résideraient des dirigeants houthis. Selon la chaîne de télévision Al Masirah, chaîne des Houthis qui diffuse depuis Beyrouth, et le ministère de la Santé yéménite, les frappes ont fait neuf morts et neuf blessés.
Des responsables américains ont déclaré que les frappes de samedi étaient le résultat d’une série de réunions de haut niveau à la Maison-Blanche cette semaine entre Trump et ses principaux collaborateurs à savoir le vice-président J. D. Vance, le secrétaire d’État Marco Rubio, le conseiller à la sécurité nationale Michael Waltz, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth et le général Michael E. Corella, commandant du commandement central de l’armée. Trump a approuvé le plan vendredi.
Les attaques ont été lancées depuis l’USS Harry S. Truman, un cuirassé naviguant dans le nord de la mer Rouge, ainsi que depuis des avions de chasse et des drones lancés depuis des bases américaines dans la région.
L’administration Biden avait riposté aux attaques contre des navires commerciaux par plusieurs contre-attaques des forces militaires américaines et britanniques entre janvier et mai 2024. Les armées des deux pays avaient mené au moins cinq frappes conjointes majeures contre les Houthis en réponse aux attaques visant des navires. Cependant, cette fois-ci, le Commandement central au Moyen-Orient a annoncé samedi avoir mené ces frappes sans l’aide d’aucun autre pays.
Le journal note que les précédentes frappes menées par les États-Unis n’ont pas réussi à les dissuader d’attaquer les voies de navigation reliées au canal de Suez qui sont vitales pour le commerce mondial. Des centaines de navires ont été contraints d’emprunter une longue route alternative autour de l’Afrique du Sud ce qui a fait grimper les coûts du transport maritime. Malgré le cessez-le-feu à Gaza, les compagnies maritimes évitent toujours d’envoyer leurs conteneurs via la mer Rouge et continuent de contourner le cap de Bonne-Espérance.
L’administration Biden avait cherché à réduire la capacité des Houthis à menacer les navires commerciaux et militaires tout en évitant de tuer un grand nombre de combattants et de dirigeants houthis ce qui aurait pu conduire à un chaos supplémentaire dans une guerre régionale en expansion qui, selon les responsables, pourrait entraîner l’Iran.
Une plus grande latitude pour agir sur le terrain
Les craintes d’un conflit régional plus large se sont considérablement atténuées au cours des mois ayant suivi la guerre d’Israël contre le Hezbollah et le Hamas qui a affaibli les deux plus importants mandataires armés de l’Iran dans la région, mais également suite à la destruction d’une grande partie des défenses aériennes de l’Iran lors d’une série de frappes aériennes punitives l’automne dernier laissant le pays vulnérable à une contre-attaque israélienne plus importante s’il ripostait.
Cela a donné à Trump plus de latitude pour lancer une campagne de bombardements massive contre les Houthis et l’utiliser comme un avertissement aux dirigeants iraniens s’ils rejetaient les pourparlers axés sur leur programme nucléaire. Il n’est pas clair comment une nouvelle campagne de bombardements contre les Houthis réussira là où les efforts militaires précédents menés par les États-Unis ont largement échoué.
Les responsables militaires ont déclaré que ces attaques toucheraient un plus large éventail de cibles houthies et seraient menées sur une période de plusieurs semaines. Trump n’a pas donné plus de détails sur les événements dans sa publication sur les réseaux sociaux. Bien qu’il ait déclaré: «La réponse de Joe Biden a été terriblement faible alors les Houthis ont continué leur attaque. L’attaque des Houthis contre les navires américains ne sera pas tolérée. Nous utiliserons une force meurtrière écrasante jusqu’à ce que nous atteignions notre objectif».
Le NYT note que les Houthis qui ont développé leur expérience de combat au cours d’une guerre de huit ans avec une coalition dirigée par l’Arabie saoudite ont accueilli favorablement la perspective d’une guerre avec l’Amérique. Maintenant, les responsables américains et ceux du Moyen-Orient attendent une réponse des Houthis.
Le magazine Politico a noté, de son côté, que les nouvelles frappes aériennes sur le Yémen, les plus importantes depuis le retour de Trump à la Maison Blanche, sont survenues après que le président américain a assoupli les règles pour mener des frappes et donné aux commandants sur le terrain une grande latitude pour agir.
Le magazine a cité un responsable, s’exprimant sous couvert d’anonymat, affirmant que la récente augmentation des attaques contre les bastions d’Al-Shabaab en Somalie et contre l’EI en Syrie est le résultat de cette politique ajoutant que davantage de raids ont lieu dans la région lorsque les commandants militaires voient une opportunité de frapper les dirigeants de ces organisations.
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