L’auteur, journaliste tunisien basé dans un pays européen, réagit ici à l’annonce en grande pompe de la mise en place en Tunisie de la Mobile ID, ou identité numérique mobile, un simple gadget sans intérêt en comparaison avec ce qui se fait en Europe, parfois avec des ingénieurs tunisiens, en matière d’administration électronique. Un témoignage pour nous remettre les pieds sur terre, nous faire remonter les bretelles et, surtout, nous obliger à nous retrousser les manches.
Par Fathi Bchir *
On fait grand cas de l’administration électronique à installer en Tunisie où on a déjà grand-peine à payer à distance sa facture de «trissiti» (électricité en dialectal, Ndlr) et de régler les histoires de sécurité sociale. Fatigant.
C’est bon. Ne chargeons pas la mule.
L’administration électronique, il ne suffit pas de le dire, il faut le faire avec sérieux et puis il faudrait s’inspirer des expériences déjà menées dans d’autres pays.
Je veux juste en citer un où je vis (peu importe) où les cartes d’identité comportent une puce.
Ordonnance sur un clavier
Expérience vécue : j’y pensais encore ce matin et je l’ai éprouvé directement.
Je devais aller voir un médecin; j’ai demandé un rendez-vous en donnant juste ma date de naissance et c’était accordé deux heures après.
Reçu par la secrétaire, elle met la carte d’identité dans un lecteur relié à un ordinateur. Le médecin, dans son cabinet, a aussitôt tout mon dossier et pas seulement mes visites chez lui mais n’importe où, en plus de toutes les analyses et radios que j’ai pu faire, etc.
Le jour J, on s’est juste dit bonjour et j’ai répondu à ses questions. Et je ne connais aucun de ses cousins ou de ses amis.
Il a directement pris ma tension et l’a inscrite sur son ordinateur.
Il a fini tous ses examens et fait des recommandations et tapé sur son clavier une ordonnance mais sans me la donner. Elle était déjà électroniquement dans toutes les pharmacies dans un dossier spécial vu par les seuls pharmaciens.
Il me demande pour toute la consultation un petit supplément de 1€ en plus de ce qu’il percevra directement de la sécurité sociale (la partie couverte par l’assurance). Et puis au revoir sans aucun baratin.
Aucun papier ne circule
Il en sera de même pour les médicaments. Je ne paierai que le prix après remboursements. Aucun papier ne circule entre le médecin, la sécurité sociale et les pharmacies.
C’est ça ce qu’on appelle être un pays développé. La Tunisie est capable de le faire. Elle en a les moyens et ça ne demande pas beaucoup sauf un peu d’huile de coude et de la jugeote.
On aime se noyer dans un verre d’eau dans ce pays, le nôtre, qui a soif de tout. D’efficacité, de transparence, d’Etat et pour finir d’intelligence pratique, et faim et soif de démocratie.
Libération de l’Ukraine et de Palestine? Appui à Poutine? Dernière sélection de foot allemande ou française ?
Le mieux serait de nous occuper juste de nos oignons et avons beaucoup à peler et à faire en sorte de ne pas trop verser de larmes.
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