Le poème du dimanche : ‘‘Rural’’ de Mokhtar Laghmani

Né en 1952, à Zarat, dans la région de Gabès, le poète Mokhtar Laghmani, a fait ses études à la Faculté des lettres de Tunis. Il fut nommé enseignant, en 1976. Il décède quelques mois après, prématurément, à l’âge de 25 ans, non sans rappeler le départ d’Aboulkacem Chebbi, au même âge. (Illustration : corniche de Zarat, oasis natal du poète mort prématurément et dont on a n’a pas trouvé de photos disponibles).

Poète engagé, mêlé à la contestation universitaire et sociale des années soixante-dix, il écrit les peines et les souffrances des classes populaires, dénonce les travers et injustices de la société. Sa poésie est parole militante, portée par une écriture directe, parfois, proche du manifeste, mais garde toute sa sensibilité poétique et lyrique, avec des attaches à la palmeraie natale, qui constitue le socle de son être.

Recueil (en arabe) : ‘‘Je jure que le soleil vaincra’’, MTE, 1978.

Tahar Bekri

Rural

Comme si tu disais «fataliste» étranger à la civilisation

Nu-pieds piétinant la pierre

Rural comme si tu disais «stupide» dans les drames radiophoniques

Il offre les poules et les œufs

Pendant les années de famine

Rural

Et dit à la poule

Poule

Il a soif se dénude mais ne se courbe devant le besoin

Ici tu me vois obligé de passer par les pistes des palmiers des figuiers et

des oliviers par les chemins de la palmeraie et le sel de la mer la source chaude à

Zarat paradis du poète son inspiration première, qui lui a donné vingt cinq

printemps d’amour affligé de chanson tendre d’esprit de folie son jumeau du

soutien à son peuple démuni pour le pousser avec fierté et extase en criant

Levez-vous mains

Levez-vous mains serrez vos poings

Je vous serre la main

Vous qui portez dans vos poings

Le grondement de la mer qui vient

Les fatigues de la nuit

La peine me désire

Me parvient sans que je la choisisse

Mon ombre me suit me porte habit de la nuit

Temps premier

Je suis acheteur d’amour ambulant

Temps second

Mes tristesses m’enchaînent me libère la parole

Mais difficile pour ma langue de se soumettre

Temps troisième

Je suis chercheur dans l’espace

Laboureur dans l’eau

Minuit je ressens la vastitude du ciel

L’immensité de la terre

Je ressens mon insignifiance mon arrogance

L’absence de la longueur et de la largeur

Le matin

Je suis un petit oiseau errant

Les vents m’envoient sur des vents

Je suis tombé l’aile blanchie

J’étais un rêve qui était avec la nuit

Et avec la nuit il s’est envolé

Traduit de l’arabe par Tahar Bekri

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