En dépit des vicissitudes de sa vie personnelle, Franklin Roosevelt a réussi à mener une guerre à l’échelle planétaire, et son pays à la victoire finale. Avec environ 300.000 morts, un pays transfiguré, les vieilles puissances coloniales ruinées, ce sont les Etats-Unis d’Amérique qui, parmi tous les belligérants, ont le moins souffert et le plus tiré profit de la guerre.
Par Dr Mounir Hanablia
Évidemment nul n’ignore que si l’Amérique a gagné la guerre, c’est grâce à sa puissance économique et industrielle hors du commun. A la fin de la seconde guerre mondiale, elle avait produit deux millions de camions, 200.000 avions, plus de 100.000 chars de combat, plusieurs dizaines de millions de fusils, de canons et de cartouches. Mais la mobilisation du peuple a été d’une grande importance. Douze millions de conscrits, 16 millions d’ouvriers dans les industries de la guerre, 20% de la population qui a d’une manière ou d’une autre changé de résidence dans la recherche du travail, tout cela a contribué à un développement économique sans précédent puisque le PNB est passé de 100 à 160 milliards de dollars.
Un énorme effort de guerre
Pourtant, au début de la seconde guerre mondiale rien ne prédestinait ce pays à produire un tel effort, et à devenir ce qu’on a appelé l’arsenal de la démocratie.
La majorité des citoyens ne voulaient pas intervenir dans les affaires européennes. Il a fallu que le président Franklin Roosevelt les convainque de la nécessité de la reconversion de l’industrie des biens de consommation vers l’armement, et étant l’auteur du New Deal, il n’en avait pas le préjugé favorable, fasse accepter l’aide apportée à l’Angleterre en passe d’être écrasée par la puissance militaire allemande, au détriment des intérêts immédiats de l’Amérique, combatte les syndicats, en particulier celui des mineurs de charbon, qui n’hésitaient pas à paralyser l’effort de guerre pour obtenir des augmentations de salaire.
Il a fallu surmonter l’épineuse question raciale dans l’armée alors que les noirs étaient exclus des unités combattantes pour être versés dans les tâches les plus dépréciées, celles de la blanchisserie, de l’hygiène, et de la cuisine.
Il a fallu que les femmes, qui étaient avant la guerre systématiquement exclues de l’industrie, remplacent les hommes partis se battre, dans les usines d’armement.
En fait, si l’Amérique a gagné la guerre, elle le doit à son extraordinaire capacité de transformation et d’adaptation. Cela a déjà été un exploit de confier un troisième, et plus tard un quatrième mandat présidentiel au même homme, un infirme cloué sur une chaise roulante qui traînait les séquelles d’une polio contractée plusieurs années auparavant.
Néanmoins on ne peut pas passer sous silence le soutien apporté par Eleonore Roosevelt à la cause des minorités et des femmes, ni toutes les activités dans lesquelles elle s’est impliquée avec la construction de crèches, d’orphelinats, d’hôpitaux pour la prise en charge et la réinsertion des grands blessés, et de centres d’accueil pour les réfugiés venus d’Europe.
L’engagement en Afrique du Nord
On ne reviendra pas sur les désaccords des généraux Américains avec le Premier ministre britannique Winston Churchill relativement aux priorités stratégiques de la guerre après la défaite britannique de Tobrouk en Libye qui menaçait de faire tomber tout le Moyen Orient et ses réserves en pétrole aux mains de l’Allemagne.
Pourtant, Roosevelt lui a donné raison et a préféré en 1943 lancer l’opération torche en Afrique du Nord prélude à la conquête de la Sicile et de l’Italie, plutôt que l’attaque frontale contre l’Allemagne à travers la manche préconisée par ses propres généraux, et demandée par Staline pour soulager l’Armée Rouge en Ukraine et au Caucase.
Cette décision demeurera l’un des mystères de la seconde guerre mondiale, mais depuis que les patrouilles américaines avaient reçu l’ordre d’attaquer délibérément les sous-marins allemands et de protéger les convois en route vers l’Angleterre, en arguant d’un droit de riposte, dans ce qui constituerait un précédent à l’incident du Golfe du Tonkin, il était clair que l’Amérique s’engageait dans la guerre aux côtés de l’Angleterre avant même de l’avoir déclarée.
En dépit des vicissitudes de sa vie personnelle, jamais un homme n’aura assumé auparavant les responsabilités de mener une guerre à l’échelle planétaire, et son pays à la victoire finale. Avec environ 300.000 morts, un pays transfiguré, les vieilles puissances coloniales ruinées, c’est encore parmi tous les belligérants les Etats-Unis d’Amérique qui auront le moins souffert et le plus tiré profit de la guerre.
‘‘No Ordinary Time: Franklin & Eleanor Roosevelt: The Home Front in World War II’’, essai de Doris Kearns Goodwin, éd. Simon & Schuster, 771 pages, 30 juin 2008.
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