En passant sur l’autoroute de Tunis vers Hammamet, il est impossible de ne pas remarquer une curieuse maison au plan circulaire, abandonnée depuis des années, dans le style néocolonial italien.
Certains guides touristiques l’ont surnommée «Villa dello Zodiaco», en référence à ses mosaïques représentant les douze signes astrologiques, d’autres l’appellent «Villa Mussolini», même si cela n’a rien à voir avec le dictateur.
Il se dresse sur une butte pierreuse au sud de Grombalia, non loin de la ville de Bou Argoub. Peu connu, mais probablement autrefois étonnamment élégant, c’est un exemple typique de l’architecture moderniste des années 1930 en Tunisie, bien qu’il soit aujourd’hui occupé par quelques squatters et qu’il ne reste qu’une poignée de palmiers de ses jardins.
L’universitaire et éditrice Silvia Finzi, fine connaisseuse de la présence italienne en Tunisie, révèle dans un de ses livres que cette villa a été conçue en 1935 par l’architecte Ugo Chiarini pour la riche famille sicilienne Garsia.
«Cet édifice, de dimensions modestes mais unique par son plan parfaitement radio-concentrique, mérite le statut de monument historique pour ses volumes et ses formes atypiques qui invitent à la réflexion sur l’espace architectural et ses usages», écrivent-ils dans un article sur Archibat, Zoubeïr Mouhli et Justin McGuinness.
Loin des fioritures du style Art déco en vogue à Tunis, cette maison aux lignes épurées se rapproche des réalisations modernistes et rationalistes des architectes des territoires italiens d’outre-mer.
Si de l’extérieur le principe générateur de la construction est toujours le cercle, avec toutes les pièces tournées vers un atrium de plan circulaire, couronné par une coupole parfaitement hémisphérique, ce sont les mosaïques à l’intérieur, plus précisément ce qui en reste, qui offrent une clé de compréhension les intentions du client dans la construction de la villa.
Au sol sur un fond gris-noir, se détachent des figures et des animaux inspirés de l’Antiquité romaine, de la Méditerranée et de l’astrologie.
Au sol de la rotonde, autour d’une fontaine, les motifs sont plutôt animaliers : une autruche, une girafe, un mouton, un aigle et une gazelle transpercés d’une flèche, ainsi qu’un soldat romain, un gladiateur et une tête maure, tel qu’il figure sur le drapeau corse. «Est-ce une tentative de symboliser les visées expansionnistes de l’Italie fasciste ?», se demandent Mouhli et McGuinness. «Les représentations figuratives au sol du rond-point du Zodiaque rappellent les athlètes et les emblèmes d’un monde romain renouvelé qui sont encore foulés aux pieds des spectateurs qui se rendent au stade olympique de Rome», expliquent-ils. Au premier étage, cependant, les motifs du sol en mosaïque font référence à l’astrologie.
La Villa dello Zodiaco est donc un édifice de symboles.
A l’époque de sa construction, un tel souci du détail architectural a certainement dû toucher la sensibilité des paysans italiens du Cap Bon. Selon une anecdote rapportée par Silvia Finzi et Luca Quattrocchi, les voisins de l’époque tournaient en dérision les choix esthétiques du propriétaire en disant en plaisantant : «Que voulez-vous que Mussolini reçoive ?». D’où le nom de «Dar Mussolini» donné à la villa par les habitants de l’époque.
Un autre universitaire et expert de la présence italienne en Tunisie, Alfonso Campisi, nous raconte que le propriétaire et client, Peppino Garsia, un Sicilien de Pantelleria avec une pharmacie à Tunis, se rendait tous les mercredis au souk de Bou Argoub pour faire ses courses et quand il rencontra les paysans de la ville, ceux-ci, d’un ton moqueur, lui demandèrent : «Peppino, as-tu fait construire un château pour Mussolini ?». Peut-être justement pour contrer la présence de la France en Tunisie, Garsia appela sa maison «Dar Mussolini», construite pour accueillir le Duce, même s’il n’y mit jamais les pieds.
Pour comprendre les raisons qui ont poussé Garsia à se tourner vers l’architecte Chiarini pour faire construire une résidence aussi imposante à la campagne, il faut remonter aux relations certainement pas idylliques à cette période historique précise entre les colons français et les Italiens de Tunisie, souvent accusés d’être des fascistes et donc des ennemis de la France, explique Campisi, mais c’est une autre histoire.
Traduit de l’italien.
Source : Ansamed.
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