Pour ne s’être pas entourée des personnes qu’il faut, comme le font souvent les grands champions de tennis, Ons Jabeur risque de végéter encore pendant longtemps entre les tournois WTA gagnés et perdus, sans jamais atteindre les victoires auxquelles son immense talent peut lui permettre d’aspirer.
Par Dr Mounir Hanablia *
Le cœur est ce muscle merveilleux qui grâce à ses récepteurs de pression (barorécepteurs) et au contrôle exercé par le système nerveux autonome (informatique) adapte son débit en fonction des besoins énergétiques (O2) et métaboliques de l’organisme, particulièrement lors de l’effort. L’adaptation, c’est là la qualité essentielle. La performance de Novak Djokovic hier, vendredi 9 juin 2023, contre Carlos Alcaraz ne l’a encore que plus rappelé.
On peut certes reprocher au Serbe beaucoup de choses, de ses négligences du risque infectieux du Covid à ses accointances avec le chauvinisme serbe. Mais face à un jeune surdoué au sommet du tennis mondial et balayant tous ses adversaires sur son passage comme un typhon, il a une fois encore adopté la stratégie gagnante en usant physiquement et mentalement son adversaire. Il pouvait se le permettre.
Après les combats homériques livrés durant 17 ans aux quatre coins du monde contre ces adversaires formidables que sont Nadal et Federer, Djokovic a acquis suffisamment de jugement pour jauger à leur juste mesure tous ses adversaires sur un terrain de tennis, tout en connaissant parfaitement ses propres limites. Alcaraz, lui, ne connaît évidemment pas les siennes.
Hier l’Espagnol s’est lancé à l’assaut comme d’habitude, sans chercher à adapter son jeu à son adversaire, à attendre pour durer, en courant dans tous les sens sur toutes les balles. Ce péché d’orgueil et de jeunesse, il l’a payé après plus de deux heures de combat par des crampes musculaires incoercibles, le livrant pieds et poings liés à son adversaire.
On peut certes faire le grand reproche à Juan Carlos Ferrero, le coach de l’Espagnol, de ne pas avoir adopté une autre approche pour ce match, mais il semble bien qu’il ait voulu sciemment lui faire percevoir l’étendue du chemin qu’il reste à parcourir, pour devenir le grand champion qu’il peut légitimement espérer être à l’instar de son illustre adversaire.
La leçon a été rude, mais il y a fort à parier qu’elle ne sera pas perdue. Cela démontre toute la difficulté de la tâche pour remporter un grand tournoi, et évidemment en tant que Tunisiens, on ne peut s’empêcher de penser à notre illustre Ons Jabeur, qui a atteint à deux reprises la finale d’un grand tournoi, et qui vient cette année encore échouer en quart de finale de Roland Garros. On ne reviendra certes pas sur ses performances de l’année précédente qui ont démontré l’étendue de son talent et de ses capacités. Mais après une blessure à Stuttgart contre Iga Swiatek, Ons Jabeur a confirmé qu’elle n’était pas prête mentalement ni physiquement à remporter le tournoi parisien, du moins cette année.
A mon avis la grande faiblesse qui empêche la Tunisienne de se hisser sur le toit du monde, celle qui lui fait perdre souvent des points gratuitement dans les moments décisifs, par nervosité ou manque de concentration, c’est son coaching. Elle a apparemment décidé d’être la patronne et s’est assuré l’entourage nécessaire pour l’être. Ce faisant, elle ne dispose pas de la personnalité forte capable de lui imposer des choix de préparation adéquats, autrement dit de l’autorité nécessaire, pour gagner ces grands tournois.
On a vu les grands tennismen comme Tsitsipas, Ruud, Rune, profiter de l’autorité naturelle des parents sur les cours. Djokovic, malgré sa capacité que nul ne peut lui contester à se préparer seul, préfère s’accompagner des conseils de Goran Ivanisevic, l’ancien vainqueur de Wimbledon. Quant à Alcaraz étant issu de l’école d’un ancien champion de tennis espagnol, c’est par lui qu’il se fait naturellement encadrer.
Il est donc fort à craindre que notre chère Ons, pour ne pas s’entourer des personnes qu’il faut, végète encore pendant longtemps entre les tournois de l’ATP gagnés et perdus, sans jamais atteindre les victoires auxquelles son immense talent peut lui permettre d’aspirer. En bref, il faudrait qu’elle s’adapte aux exigences de la situation pour enfin y parvenir.
* Médecin de libre pratique.
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