Quoi qu’on dise, c’est en France, le pays de la «hogra» selon certains, qu’on naturalise le plus facilement les étrangers, parmi lesquels il y a beaucoup de Tunisiens, alors que, chez nous autres, pour qu’un citoyen d’un pays «frère» puisse accéder à la nationalité tunisienne, il doit subir un long, cher et douloureux parcours du combattant, sans pour autant parvenir à obtenir l’heureux Sésame, sauf pour de rares chanceux. (Ph. Reuters).
Par Salah El Gharbi *
Vendredi dernier, et selon l’éditorialiste de Midi Show (Zied Krichen, Ndlr) l’émission-phare de Mosaïque FM, les émeutes que la France connaît, à la suite à la bavure policière dont Nahel, un jeune de 17 ans avait été victime, seraient légitimes, accusant la police française d’avoir une attitude discriminatoire à l’égard des jeunes d’origine étrangère, qui serait marginalisés par le pouvoir.
Personnellement, je suis persuadé que la déclaration de notre respectable éditorialiste est insincère, car il est suffisamment intelligent pour ne pas croire en tels raccourcis pour justifier le climat quasi insurrectionnel que certaines localités françaises viennent de connaître.
En fait, ayant recours à un tel narratif, présentant la communauté maghrébine comme victime du racisme, notre journaliste, responsable d’un grand quotidien arabophone de la place (Al-Maghreb, Ndlr), n’a fait que réchauffer un plat congelé pour le servir à un public avide de ce type de récits dans lesquels «les Nôtres» sont présentés comme victimes de l’arrogance et du mépris de «l’Autre», et impatient d’écouter ces mots vengeurs qui apaisent ses hantises et le réconcilient avec lui-même.
Des hordes de saccageurs
Aussi douloureuse soit la mort d’un jeune homme de 17 ans sous le feu de la police, rien ne justifie qu’on brûle des bus et des bâtiments publics, qu’on dévalise des magasins et des bijouteries, qu’on porte atteinte aux bâtiments publics. De telles émeutes survenues dans un «pays de non-droit» auraient entrainé des massacres parmi les hordes de saccageurs.
Il est surprenant d’entendre dans la bouche de notre éditorialiste le mot «hogra» pour qualifier l’attitude de la police à l’égard des populations d’origines «maghrébine», comme si l’on était encore dans les années soixante.
Tous ceux qui ont voyagé ou résidé en France ont été témoins des incivilités de ceux qu’on considère comme étant des nôtres, et du laxisme des autorités françaises à leurs égards.
Imaginons un instant, et à titre d’exemple, des immigrés illégaux qui campent au milieu de l’une de nos avenues avec les conséquences sanitaires… que cela suppose, sans être dérangés, malgré la protestation des riverains, quelle aurait été notre attitude ?
L’«islamo-gauchisme» rampant
En réalité, le discours de la compassion et de la solidarité de notre éditorialiste ne fait que corroborer le narratif de l’extrême gauche française, qui perd du terrain sur le plan électoral, et qui cherche résolument à séduire l’électorat des «cités», en courtisant cette population désarçonnée, tiraillée entre deux cultures, mal armées… Et pour parvenir à ses fins, cette même gauche qui se veut laïque n’hésite pas, par cynisme, de se solidariser avec les mouvements islamistes les plus dures. Ceci explique que lors des dernières «Présidentielles» en France, 62% des voix de la population des «cités» sont allées à Jean-Luc Mélenchon, leader des Insoumis, promoteur de «l’islamo-gauchisme» rampant.
Chez nous, on est constamment dans la victimisation qui reste une fatalité historique. Par paresse intellectuelle ou pour se donner bonne conscience, il est plus facile de jeter la faute sur l’autre. Alors, on raffole des raccourcis.
A l’origine du meurtre du jeune Nahel, de toute évidence, il y a eu la faute professionnelle d’un policier, qui vient d’être arrêté et sera probablement puni par la loi. Mais ce qu’on ne cherche pas à saisir, c’est que la réalité est complexe et que derrière ce fait divers, il y aurait un mal endémique celui de l’éducation des enfants au sein de ces populations des cités, et particulièrement au sein des familles monoparentales comme celle de Nahel.
Comment expliquer le fait que ce jeune adolescent ait été surpris, conduisant sans permis, et arrêté plusieurs fois pour refus d’obtempérer, sinon par le fait de l’absence, chez lui d’une véritable autorité capable de l’orienter, lui inculquer le sens de la discipline, ce qui l’aurait protégé contre toutes sortes de tentations?
La schizophrénie des «nôtres»
Heureusement, parmi les «nôtres», ces jeunes livrés à eux-mêmes ne représentent, en réalité, qu’une minorité. Grâce à l’école, la majorité d’entre-deux, finissent par s’intégrer, et par s’imposer dans tous les domaines grâce à leur sérieux, aux études, à leur travail et à leurs talents.
Quant à nous autres, restés au «bled», nous continuons à nourrir en nous cette sorte de schizophrénie. Ainsi, d’un côté, on ne rate aucune occasion sans manifester notre indignation contre la France en particulier et l’Occident en général, et de l’autre, on n’hésite pas à l’accuser de ne pas nous faciliter l’octroi des visas et de ne pas accueillir à bras ouverts nos immigrés.
Quoi qu’on dise, c’est dans le pays de la «hogra» qu’on naturalise le plus facilement les étrangers, parmi lesquels il y a beaucoup des «nôtres» alors que, chez nous, pour qu’un citoyen d’un pays «frère» puisse accéder à la nationalité tunisienne, il doit subir un long, cher et douloureux parcours du combattant, souvent, sans pour autant parvenir au bout, d’obtenir l’heureux Sésame.
* Universitaire et écrivain.
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