Le poème du dimanche : La Geste hilalienne (« Sirat Bani Hilal »)

Déjà, au 14e siècle, le grand historien Ibn Khaldoun (1332-1406) relève, dans sa Muqaddima, l’existence de cette poésie bédouine et en rapporte des extraits. Il signale son importance et ses particularités par rapport à la poésie arabe classique.

Poésie orale récitée, parfois chantée, accompagnée de musique, généralement, le rabâb/vielle, elle raconte l’épopée des Hilaliens d’Egypte et leur marche vers le Maghreb (Taghriba) au 11e siècle, pour punir un émir scissionniste,  en Ifriqiya. Sa richesse poétique, ethnographique, historique, interpelle chercheurs, linguistes, folkloristes, historiens de la littérature, mobilisent illustrateurs, musiciens et chanteurs. Des rencontres internationales lui sont consacrée. Son héroïne principale, Al Jaziya, est une figure populaire emblématique et légendaire. La Geste hilalienne fait partie des grandes épopées universelles.

Quelques références (en français) : Tahar Guiga et Abderrahmane Guiga, La Geste hilalienne, MTE, Tunis, 1968; Micheline Galley/Abderrahmane Ayoub, Histoire de Beni Hilal et ce qui leur advint dans leur marche vers l’ouest; Versions tunisiennes de la geste hilalienne, Paris, Armand Colin, 1983; Lucienne Saada, La Geste hilalienne, Gallimard, 1985.

Tahar Bekri

Le sac de Kairouan

Le poète dit :

Sur-le-champ ils arrivèrent sur le Sanhajien
Lequel avait opprimé les Fatimides *
Et les avait combattus
Voulant en extirper la trace
La nouvelle parvint à Azzedine*
Ses actions et vexations l’irritèrent
Il punit le Sanhajien pour sa mauvaise conduite
Et fut, pour lui, cause de souffrance
Il lui envoya un flot de Hilaliens
A qui il ordonna : «Mettez tout à feu et à sang»
Ils vinrent au Maghreb éparpillés
Et de malheurs accablèrent les habitants
Ceci se passait en mil cinquante
C’est là que raconte le sage.
Les régions du Pays se trouvèrent occupées
Et petits et grands furent dépouillés
Ils laissèrent là, enterré, qui leur barra la route,
Que d’être humains ruinés !
Que de pauvres spoliés
Que d’hommes de condition libre tués !
Et que de jardins saccagés !
Et que de puits bouchés
Ils pénétrèrent les groupes Sanhadja
Et des pires maux les accablèrent
Repoussant leurs troupes combattantes
Et exterminant par le feu celles qui demeurèrent
Et en mil cinquante-sept
Ils pénétrèrent au grand jour à Kairouan
S’emparèrent des hommes en prière,
Et en brûlèrent la plupart.

Trad. de l’arabe par Lucienne Saada, La Geste hilalienne, Version de Bou Thâdi (Tunisie), Ed. Gallimard, 1985.

Notes

* Al Mu’ez Ibn Badis (1016-1062) qui se révolta contre le calife fatimide d’Egypte.

* Dynastie califienne qui régna en Ifriquiya puis en Egypte.

* Le fatimide Al-Mustansir ?

* Le sac de Kairouan a eu lieu en 1057, selon les historiens.

* Le récitant de la version de Bou Thâdi est Mohammed Hsini.

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