Dans son approche populiste de la forte hausse des prix des produits de première nécessité, le président Kaïs Saïed trompe les Tunisiens : en attribuant cette hausse à de bien fantomatiques spéculateurs qu’il est du reste incapable de mettre hors de nuire. Et il les trompe deux fois : en se déresponsabilisant lui-même et l’Etat qu’il incarne et en ne faisant rien pour essayer de régler ou d’atténuer le phénomène.
Par Imed Bahri
Qu’est-ce qui empêche Kaïs Saïed de combattre les spéculateurs, les seuls responsables selon lui de la forte hausse des prix des produits de première nécessité dont se plaignent les citoyens ? Cela fait deux ans que le président de la république tempête, menace et bombe le torse, sans que personne ne voie de résultats sur le terrain.
Hier encore, samedi 2 juillet 2022, M. Saïed a reçu, au palais de Carthage, la ministre du Commerce et de la Promotion des investissements, Fadhila Rabhi, et lui demandé d’appliquer la loi à l’encontre des spéculateurs, notamment, le décret présidentiel relatif à la lutte contre la spéculation illégale publié 21 mars dernier dans le Journal officiel et qui n’a eu aucun impact sur le comportement du marché, où le commerce informel est on ne peut plus florissant aux quatre coins du pays et où l’Etat semble impuissant face à la loi des spéculateurs.
Les spéculateurs ont de beaux jours devant eux
Ce décret, qui vise officiellement à lutter contre la spéculation illégale afin d’assurer l’approvisionnement régulier du marché et de sécuriser les circuits de distribution, prévoit de lourdes sanctions qui vont jusqu’à l’emprisonnement à vie. Il aurait dû normalement dissuader les barons de la contrebande et du marché parallèle. Pourquoi ces derniers continuent-ils donc de sévir et de narguer les services de l’Etat ? M. Saïed serait bien inspiré de répondre à cette question et d’essayer de comprendre les dysfonctionnements qui permettent à ce fléau de continuer à se développer impunément, parfois avec la complicité active des agents de la fonction publique en charge du contrôle économique.
Hier encore, M. Saïed nous a servi sa rengaine habituelle selon laquelle «ceux qui sont derrière ce fléau sont connus», mais il ne nous explique pas pourquoi les services de l’Etat, dont il est le seul et unique responsable, ne parviennent-ils pas à les mettre hors d’état de nuire. Il y a là comme une méprise ou une tromperie délibérée. Car, ou bien le président est ignorant et ne sait pas que la forte hausse des prix enregistrée ces derniers temps est due à des causes exogènes (hausses des prix sur les marchés mondiaux) et d’autres endogènes (chute de la valeur de la monnaie nationale et incapacité des autorités à réguler le marché), ou bien il cherche à tromper les citoyens en leur faisant croire que la responsabilité de ces hausses incombe à une poignée de méchants spéculateurs, qu’il est du reste incapable de mettre hors d’état de nuire, et que sa responsabilité en tant que premier responsable de la fonction publique n’est pas engagée.
Cet homme n’est pas à sa place
Dans les deux cas, M. Saïed n’honore pas la fonction qu’il assume et les Tunisiens sont en droit de penser qu’il n’est vraiment pas à sa place. Et que tant qu’il continuera à gesticuler inutilement, aucun des problèmes chroniques dont souffre le pays ne sera réglé, à commencer par la crise économique et financière et ses nombreuses conséquences : inflation, cherté de la vie, chômage…
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