Le «malentendu» tuniso-marocain provoqué par l’accueil officiel réservé par le président Kaïs Saïed au président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Brahim Ghali, à Tunis, à l’occasion de la tenue de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement en Afrique (Ticad 8), les 27 et 28 août dernier, est loin d’être totalement dissipé, comme le prétendent certains. Explications… (La rencontre au Caire entre Othman Jerandi et Nasser Bourita a été un non-événement).
Par Imed Bahri
Le mot «malentendu» est d’ailleurs faible pour qualifier la crise diplomatique actuelle entre la Tunisie et le Maroc, les deux pays ayant rappelé leurs ambassadeurs pour consultations et n’ayant pas encore réellement repris langue à un niveau officiel pour essayer de dissiper les nuages. Et même la rencontre, au Caire, entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays ne semble pas avoir abouti à un règlement du différend, comme l’a déclaré, un peu rapidement, Ahmed Aboul Gheit, le secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, lors d’une conférence de presse, hier, mardi 6 septembre 2022, au terme de la réunion du Conseil de la Ligue au niveau des ministres des Affaires étrangères.
Le silence assourdissant de Tunis
Les deux pays n’ont pas jugé utile de communiquer officiellement sur cette rencontre, qui semble avoir été un non-événement, mais si le Tunisien Othman Jerandi garde un silence assourdissant à ce sujet, son homologue marocain, Nasser Bourita, a été plus loquace en affirmant, au Caire, que la position du Maroc n’a pas changé, décrivant l’acte de Saïed comme «inacceptable par son pays». «Une position partagée par l’ensemble du peuple marocain et toutes les forces actives», a-t-il ajouté.
A Rabat, on a du mal à admettre que cet acte n’est pas une provocation délibérée de la part du président Saïed, car le Japon avait pris officiellement ses distances vis-à-vis de l’invitation adressée par l’Union africaine au président de la RASD et en avait même informé les autorités tunisiennes à deux reprises.
Pour ne rien arranger, les relations «très particulières» (de vassalité, disent même certains) qu’entretient M. Saïed avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui soutient et protège la RASD, sont naturellement mal vues par les Marocains pour qui l’affaire du Sahara est d’une importance vitale, puisqu’ils considèrent ce territoire comme appartenant au Royaume alaouite.
En attendant un geste fort du président Saïed
Il semble donc que les explications officielles tunisiennes de l’acte du président Saïed ont du mal à passer au Maroc, où on aurait souhaité un geste fort de Tunis, comme une déclaration officielle du président Saïed rappelant la position historique de la Tunisie sur cette affaire et visant à détendre l’atmosphère, mais ce geste tarde à venir. Et pour cause…
A Tunis, où l’on a une conception ombrageuse de la souveraineté nationale, on n’est visiblement pas prêt à regretter un acte qui a été mal pesé à l’aune des engagements internationaux du pays (la Tunisie ne reconnaissant pas officiellement la RASD, qui n’est d’ailleurs reconnue ni par l’Onu ni par la Ligue arabe, dont la Tunisie assure actuellement la présidence) et des exigences de la paix et de l’entente dans la région du Maghreb.
Kaïs Saïed, dont l’obstination – y compris dans l’erreur – est de notoriété publique, n’est pas du genre à privilégier les intérêts supérieurs du pays sur son amour propre ou sa dignité personnelle. Il n’est pas non plus du genre à reconnaître une erreur et encore moins à la regretter. Sa crispation dans la gestion des relations internationales de la Tunisie ne nous a-t-elle pas valu, jusque-là, des «malentendus» avec les Etats-Unis, l’Union européenne (à propos de la Commission de Venise) et maintenant le Maroc (excusez du peu !). A qui le tour ?
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