Tunisie : un nouveau prêt du FMI, et après ?

Le nouveau prêt que la Tunisie sollicite auprès du FMI pourrait aider à desserrer momentanément la pression sur ses finances publiques, mais il ne constituera pas pour autant une solution miracle pour la sortie de la crise et la relance économique. Pour cela, notre pays a besoin de stabilité politique, de réformes économiques et de discipline financière. En est-il vraiment capable aujourd’hui ?

Par Ridha Kefi

L’équipe de négociateurs tunisiens part cette semaine à Washington pour finaliser les termes de l’accord avec les experts Fonds monétaire international (FMI) pour un nouveau prêt sur trois ans. Les choses se présentent plutôt bien même si on doit s’attendre à un resserrement des conditions contractuelles, eu égard la crise de confiance due à la perte de crédibilité des autorités tunisiennes aux yeux de leurs interlocuteurs internationaux.  

Cette perte de crédibilité, induite par l’incapacité des gouvernements tunisiens successifs depuis 2013 à mettre en œuvre les réformes convenues avec le FMI dans le cadre de précédents prêts, dont le dernier a vu le paiement de sa dernière tranche suspendue en 2020, ne va cependant pas empêcher la signature d’un nouvel accord de prêt dont le montant reste encore à déterminer mais qui, selon les experts, devrait se situer entre 2 et 3 milliards de dollars sur 3 ans, donc loin des 4 millions de dollars initialement souhaitées par l’Etat tunisien.

Une certaine indulgence

«Le FMI est à un stade très avancé de discussions sur les accords au niveau du personnel avec la Tunisie et l’Égypte, que ce soit dans des jours ou des semaines, difficile à prévoir mais ce sera très bientôt», a ainsi déclaré Georgieva Kristalina, directrice générale du FMI, à Reuters, vendredi 30 septembre 2022, à Riyad, en Arabie Saoudite. «Nous envisageons des programmes importants. La taille exacte est toujours déterminée par des négociations et finalisée avec les autorités», a-t-elle ajouté. Et d’expliquer : «Les deux gouvernements sont aux prises avec des crises économiques qui ont mis à rude épreuve les finances publiques», ce qui dénote une certaine indulgence et compréhension vis-à-vis des difficultés financières des deux pays nord-africains, qui ne sont pas dues seulement à la mauvaise gouvernance : la hausse des prix des cours mondiaux à la suite de la pandémie de Covid-19 et de la guerre russo-ukrainienne sont également pour beaucoup dans ces difficultés.

Par ailleurs, on peut estimer également que les grands contributeurs du FMI, dont les voix comptent dans les décisions de son conseil d’administration, comme les Etats-Unis, la France, l’Allemagne ou encore l’Arabie saoudite, ne pourraient pas s’opposer à un coup de pouce financier aux deux pays nord-africains qui traversent une phase difficile de leur histoire suite aux déconvenues du «printemps arabe», deux pays dont la stabilité intérieure, eu égard leur situation stratégique au cœur d’une zone où les tensions ne manquent pas, compte pour la stabilité de toute la zone méditerranéenne.

La tâche de ne sera pas aisée

La tâche des négociateurs tunisiens ne va pas être pour autant facile, car ils doivent faire preuve d’une grande capacité de persuasion. Il ne s’agit pas de présenter un programme de réforme séduisant sur le papier mais difficile à implémenter dans la réalité. Il s’agit plutôt de convaincre les interlocuteurs de la capacité du gouvernement qu’ils représentent à mettre ces réformes en œuvre, qui plus est dans un contexte de grogne sociale alimentée par une puissante centrale syndicale, l’UGTT en l’occurrence, qui ne fait pas mystère de son opposition catégorique aux principaux axes desdites réformes : la réduction de la masse salariale de la fonction publique, la révision-suppression des subventions de l’Etat, l’assainissement-cession (totale ou partielle) des entreprises publiques déficitaires et mal gérées…   

Pour le reste, quel que soit le montant de l’accord et les conditions des bailleurs de fonds sur lesquelles s’engagera l’Etat tunisien, le prêt pourrait aider à desserrer momentanément la pression sur les finances publiques, mais il ne constituera pas pour autant une solution miracle pour la relance économique. Seule la stabilité politique, le retour de la confiance, l’amélioration du climat des affaires, la reprise de l’investissement, de la production et de l’exportation pourraient garantir une croissance soutenue à même de soulager durablement les équilibres financiers de l’Etat.

C’est possible, puisqu’on l’a déjà fait

Ce scénario n’est pas impossible à réaliser, puisque notre pays a déjà montré, par la passé, qu’il était capable de passer d’une situation de crise larvée à une autre propice au développement : ce fut le cas au lendemain de l’indépendance en 1956, de l’échec de la politique «coopératiste» en 1969 et de la fin de règne de Bourguiba, avec le Plan d’ajustement structurel (PAS) convenu avec le FMI en 1986 et qui s’est rapidement traduit par une reprise de la croissance économique allant de à 5 à 7% au cours des années 1990-2010.

Bien en tendu, il a fallu pour cela un Etat fort, une stabilité politique à toute épreuve et une grande discipline financière qui fit de la Tunisie, pendant longtemps, un très bon client des bailleurs de fonds internationaux.  

A l’époque, les grands projets d’infrastructures (barrages, autoroutes, port et aéroports, zone industrielles…) ne trouvaient aucune difficulté à trouver des financements extérieurs et l’Etat payait ses dettes rubis sur ongle et dans les délais requis.

Pourquoi serions-nous aujourd’hui incapables de réitérer cette expérience ? Le personnel politique actuel est-il moins compétent, moins ferme dans ses convictions, moins audacieux dans ses décisions et plus indécis et plus mou dans leur mise en œuvre ? On n’a n’a même pas à répondre à ces questions, tant les réponses semblent évidentes pour le commun des citoyens.

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