Qatar 2022 : le Maroc et ses bons tripoteurs de ballon

Pour son premier match de groupe en cette Coupe du monde de football Fifa Qatar 2022, le Maroc croisera le fer avec la Croatie aujourd’hui, mercredi 23 novembre 2022, à 11 heures (heure tunisienne), avant d’affronter les deux autres sélections du groupe : le Canada et la Belgique.  Quelles sont les chances des Lions de l’Atlas de passer au second tour ? (Illustration : Walid Regragui doir gérer un groupe de stars).

Par Jean-Guillaume Lozato *  

Entre interrogations et certitudes, le Maroc se présente à ce rassemblement sportif la tête haute, au vu de sa qualification méritée et d’un ensemble composé d’hommes de grande valeur sportive.

Au vu  de son passé dans l’épreuve footballistique majeure, les Lions de l’Atlas forcent le respect sur les plans continental et international.

Par la suite, les derniers mois ont permis d’observer une phase qualificative convaincante.

A l’heure actuelle, des prévisions fiables pourraient-elles être formulées quant à une participation positive ?

Un passé convaincant

1970, 1986, 1994, 1998, 2018 : cinq participations au Mondial. Pas mal mais pouvait mieux faire, laissant entrapercevoir de belles promesses à Mexico 70 (1-1 contre la Bulgarie et défaite de justesse 1-2 après avoir mené au score contre l’Allemagne). Donnant le loisir de constater de belles choses 16 ans plus tard encore une fois au Mexique en étant le premier pays arabe et africain à se qualifier pour le deuxième tour, grâce à ce qui a été sa meilleure délégation avec Bouderbala, Krimau, Khairi, El Biyed, Lamriss, El Haddaoui et autres Zaki. Puis quelques erreurs malgré quelques sursauts (une victoire 3-0 contre l’Ecosse à France 98; un très bon match nul 2-2 contre l’Espagne).

Le reste alterne continuité et discontinuité, jusqu’aux résultats récents dignes de respect.

Ces deux dernières années, l’équipe du Maroc a produit du spectacle et ses membres s’expatrient bien. Elle a eu l’avantage de pouvoir tester deux méthodes d’entraîneurs de haut niveau. La première avec Halilhodzic. La seconde avec Regragui qui a voulu rétablir une sérénité au collectif.

Au niveau comptable, les victoires par trois buts d’écart se sont produites aussi bien à domicile qu’à l’extérieur (3-0 et 4-1 lors de la double confrontation avec le Ghana). Pour ce qui est de la CAN, le Maroc même en forme aléatoire a été capable d’atteindre les quarts de finale puis de poser des problèmes à une Egypte aussi conquérante qu’impressionnante (la forçant à aller jusqu’à la séance des tirs aux buts).

Les matchs de préparation ont eux aussi livré leur part de vérité. Une rencontre amicale impressionnante avec une victoire 2-0 sur le Chili, suivie d’un match nul solide (0-0) avec le Paraguay.

Toutefois, la défaite 0-3 aux Etats-Unis prévient qu’il faudra se montrer précis et vigilants face au Canada. Attention, même la France de l’illustre Platini avait failli se contenter du partage des points en 1986 lors de la première et jusqu’à présent unique participation canadienne.

Quel futur imminent?

Néanmoins, les Marocains ont de la ressource. Les hommes de l’extrémité ouest du Maghreb savent courir et faire courir l’adversaire. Quelquefois, il est vrai, en se dépensant trop physiquement plus qu’il n’en faut.

Prenons l’effectif dès le premier secteur de jeu : les gardiens de but. Pour la première fois depuis longtemps le Royaume dispose d’un vivier de bons goals. Peut-être une alternance serait-elle envisageable en fonction de l’adversaire car Bounou semble plus spectaculaire tandis que Mohand paraît plus sûr sur les prises de balles aériennes, appartenant tous deux à la même catégorie de taille (respectivement 1,92 et 1,90 mètre).

La défense devra peser la charge mentale de chaque rencontre et se concentrer pour éviter l’hémorragie du type de celle infligée par les Américains. Achraf Hakimi est certes un élément fort talentueux dans ce compartiment de jeu, mais ses coéquipiers ont tendance à trop laisser les choses se reporter sur lui y compris la rigueur. Même un excellent joueur a besoin d’appuis.

Le milieu du terrain est l’occasion d’énumérer là aussi des vedettes : par exemple Harit qui évolue à Marseille et le tout jeune Khanouss qui pourrait s’affirmer en tant que révélation du tournoi. Mais les deux individus indispensables seraient davantage Amrabat à l’activité incessante et Amallah aux indéniables qualités offensives.

Au niveau de l’attaque, Boufal, En-Nesyri et surtout Ziyech ont les moyens de faire trembler leurs adversaires. Mais en se référant à la cinglante défaite aux USA ainsi qu’à quelques matchs de ces deux dernières années, on constate que les tentatives sont nombreuses mais avec une part élevée de tirs non cadrés. Dès lors que choisir, duo d’attaque avec une sorte de «neuf et demi en soutien»? ou bien un trident dans un 4-3-3 à plat ? C’est de ce subtil raisonnement que peut naître un piège, par exemple en le modulant au fil de la rencontre face aux Canadiens, et en jouant sur les ailiers devant les Belges. La Croatie pouvant se montrer plus coriace mais fragilisée potentiellement si Amrabat interfère dans la zone de Kovacic en l’isolant de Modric, Perisic attendant plus souvent de longs ballons en sélection qu’à l’Inter.

Un douzième homme

L’avantage dont pourrait bénéficier le Maroc dépasse ses frontières. Il s’agit du public. Bien entendu, les supporters venus du Maroc feront tout pour encourager leurs favoris avec enthousiasme. Au-delà de cet aspect logique et tout à fait prévisible, n’oublions pas que la Péninsule Arabique entretient de bons rapports avec le territoire administré et régi par Sa Majesté Mohammed VI. Le public local risque fort de soutenir les Marocains à tous ses matchs, en raison  d’un capital sympathie plus élevé que certaines autres équipes. N’oublions pas aussi que beaucoup de Marocains résident en Belgique et au Canada, ce qui peut déclencher un facteur psychologique déterminant.

Cette première vision d’ensemble s’apparente donc à un état des lieux et à une réflexion. Cette anticipation a tenu compte des facteurs sportifs directs et indirects, et des facteurs extra-sportifs.

Le Maroc dispose de moyens de par sa liste de joueurs au bagage technique étendu pour la plupart. Le facteur humain rentre aussi en ligne de compte avec les recadrages façonnés par la pédagogie de l’entraîneur Walid Regragui. La variété des âges de ses protégés peut se révéler un avantage, un peu comme pour l’équipe d’Italie de 1982 qui avait remporté le titre suprême en alignant des hommes de 18 à 40 ans.

Le facteur psychologique et l’application compteront aussi et le Maroc a les moyens de poser des problèmes aux vice-champions du monde croates (qui ont éprouvé des difficultés à plusieurs reprises avec l’équipe de Turquie ces dix dernières années…), aux Canadiens (attention il faudra se méfier du milieu Hutchinson habitué de la pression des derbys turcs avec Besiktas) et surtout aux Belges qui ont souvent du mal face aux équipes arabes. Pour faire un pied de nez au Machreq en retrouvant la Tunisie un peu plus tard dans la suite de la compétition ?

Les forces en présence

Une compétition où la concurrence sera rude et où le Brésil devrait se distinguer avec Neymar, Marquinhos, l’impressionnant Richarlison mais peut-être aussi Everton Ribeiro. Ce dernier serait parfait dans le rôle d’un joker car jouant en championnat brésilien et ayant connu le football dubaïote pendant trois saisons. Dommage que son sélectionneur n’ait pas pris son compatriote du Botafogo Gabigol, ce qui aurait augmenté l’effet de surprise. Et que dire de l’Argentine de Messi, qui n’a pas dit son dernier mot après une surprenante défaite au premier match face à l’Arabie saoudite (1-2)? Attention aussi à l’Equateur et à l’Uruguay.

Concernant l’Europe, à part le Portugal, les autres pays seront capables du meilleur comme du pire, y compris la France championne du monde en titre. A moins que la Serbie ne retrouve des couleurs en renforçant la coordination de son entrejeu de 2018, notamment avec le très bon Milinklovic-Savic. Inch’allah…

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