Testour est une ville tunisienne fondée par les Morisques, ces musulmans expulsés, dans les pires conditions, de l’Andalousie. Sa grande mosquée est ornée d’une horloge qui tourne à l’envers. La nostalgie de l’Andalousie perdus explique cette rotation inversée. (Ph. Zaher Kammoun).
Par Abdelaziz Guesmi*
Le terme «morisque» désigne les musulmans d’Espagne et leurs descendants convertis de force au catholicisme à partir 1499 (après la chute de Grenade en 1492). L’expulsion générale des Morisques a été promulguée par le roi Philippe III d’Espagne, le 22 septembre 1609.
La révocation des engagements chrétiens à respecter la liberté de religion, jointe à la pression croissante de l’intolérance ces chrétiens d’Espagne, ont poussé les Morisques à abandonner leur terre. Pas moins de 100 000 Andalous ont choisi la Tunisie comme refuge. D’autres se sont réfugiés dans les autres pays d’Afrique du Nord qui leur ont accueillis à bras ouverts. D’autres encore, moins fortunés, ont dû rester en Espagne en subissant les humiliations de toutes sortes, l’abandon de leur religion n’étant pas la seule qu’ils ont subie.
Juifs et musulmans solidaires
De nos jours des patronymes andalous fleurissent un peu partout en Tunisie. Parmi ces noms citons les Mourou (nom d’un célèbre dirigeant politique), les Merrichco, Sanchou, Nigrou, Cristou, Zbiss, Al Hendîlî, Zghounda, Serradji (descendants des illustres Abencérage), Chelbi… ou Landoulsi.
Ces Andalous vivent dans plusieurs villes comme Tunis ou Zaghouan et ont crée leurs propres villes selon un style andalou, comme Testour.
Testour est connue surtout par sa grande mosquée, fondée vers 1625 par Mohamed Tagharino, andalou d’origine aragonaise, qui se distingue par son joli minaret installé sur la façade nord-est. Ce minaret se compose d’une tour carrée couronnée de deux tours octogonales. Il est orné de corniche, de fenêtres en baies jumelées de panneaux de marbre et de faïence et d’une jolie pyramide couronnée. Le minaret comporte des étoiles de David.
On raconte ici que les juifs morisques ayant aidé les musulmans à construire cette mosquée, ces derniers ont voulu leur témoigner ainsi leur reconnaissance et partager avec eux le souvenir des souffrances subies en commun sous l’Inquisition.
Contribution des Andalous au développement de la Tunisie
L’horloge du minaret de la Grande Mosquée de Testour a ses aiguilles tournant dans le sens contraire que celles d’une horloge classique. De même, les chiffres y sont écrits à l’envers. Les Andalous de Testour, meurtris par l’exil, auraient recouru à ce stratagème de l’inversion pour remonter le temps et renouer avec leur origine.
Dans leur exil nord-africain, les Morisques avaient emporté avec eux un sens de rotation dans l’horlogerie mécanique assez répandu dans l’Europe du XVIIe siècle.
La contribution des Andalous en Tunisie a été très importante avec l’utilisation intensive des cultures, l’introduction de nouvelles plantes, le développement des activités industrielles comme la fabrication de chéchia ou celle de la soie, mais aussi l’introduction de nouvelles techniques de maçonnerie et de construction. La cuisine de Testour est aussi profondément marquée par les saveurs de son passé andalous.
De nos jours, la Tunisie, qui est prise dans les tourments d’une crise protéiforme, n’a pas la tête à valoriser son patrimoine. C’est dommage…
* Proviseur, Grenoble, France.
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