La Tunisie à Davos pour finaliser l’accord avec le FMI

Toutes les étoiles sont alignées ? D’abord, la rencontre très solennelle tenue au palais de Carthage, hier, lundi 16 janvier 2022, entre le président Kaïs Saïed, la Première ministre, Najla Bouden, la ministre des Finances, Sihem Nemsia, et le gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi pour les dernières consignes et signatures requises pour la finalisation de l’accord avec le FMI, pour un prêt de 1,9 milliard de dollars, sur 4 ans et 8 versements. (Illustration : les membres de la délégation tunisienne à Davos écoutent religieusement les instructions de Saïed).

Par Moktar Lamari *

La délégation tunisienne s’est envolée ensuite, en avion spécial, en voyage officiel pour Davos, en Suisse, où se tient ce forum international, avec tous les bailleurs de fonds y compris le FMI et la Banque mondiale représentés par leurs plus hauts décideurs. En plus du gratin des décideurs clefs de l’économie mondiale.

Le ton est donné et des rencontres de hauts niveaux sont prévues entre la délégation tunisienne et le FMI et la Banque mondiale, à Davos entre le 17 et le 18 janvier.

Tout indique que la Tunisie arrive avec les documents requis et nécessaires, y compris la lettre d’intentions, signée par la plume du président Kaïs Saïed et le gouverneur de la BCT.

On apprend que cette lettre comporte l’essentiel des engagements requis par le FMI et dont certains ont été annoncés par le document du Budget 2023.

Ici, on met en relief l’allègement progressif des subventions aux produits alimentaires, le retour à la vérité des prix pour les carburants, les départs à la retraite de fonctionnaires (chiffres et calendriers) et un début de délestage des parts de l’Etat dans certaines entreprises et banques publiques.

Le FMI comprendra à ce sujet qu’il faut procéder avec prudence, considérant la sensibilité des enjeux et la volatilité des positions politiques, tant de la part de l’UGTT que de la part du président Kaïs Saïed.

Le compromis trouvé

Le chef de l’Etat insiste dans sa lettre d’intentions sur l’importance de l’humain, et sur les impératifs du bien-être social que véhicule son programme et sa vision pour la Tunisie. Des soucis majeurs sont exprimés dans cette lettre pour prendre soins des couches défavorisées, dans ce douloureux et incertain processus de désengagement de l’Etat des subventions aux produits de première nécessité.

Nos sources nous apprennent que la lettre d’intentions abordera aussi des questions périphériques comme la création de sociétés à statut collectif («charikat ahlia») et l’économie solidaire. Une lettre qui tire en longueur, de toute évidence pour dérouler la vision économique «plurielle» du président Kaïs Saïed et dont les paramètres ne sont pas tous conventionnels ou chiffrables de manière classique.

C’est le compromis trouvé pour signer cette lettre, une pièce importante dans le dossier tunisien, et fait rare le FMI veut que la lettre soit signée par l’homme fort du pays, celui qui détient tous les pouvoirs entre les mains.

Pour le FMI, ce qui compte c’est l’engagement présidentiel. Pour Kaïs Saïed, ce qui compte c’est l’accès à plus de dettes internationales pour éviter le défaut de paiement de la Tunisie. Le président est novice en gouvernance économique, et son bilan à ce sujet est déplorable.

Le gouverneur de la Banque centrale, qui lui aussi cosignera la lettre d’intention, mettra le point sur trois aspects non moins stratégiques : 1) la flexibilité du taux de change du dinar;

2) la lutte à l’inflation, dans une approche ciblée (inflation targetting) et 3) davantage de libéralisation dans le fonctionnement du secteur bancaire et monétaire.

Évidement, la délégation tunisienne mettra de l’avant la loi contre les taux d’intérêt usuraires, le document du Budget et la lettre d’intentions signée par le président Kaïs Saïed et le gouverneur de la Banque centrale.

La mi-février, pas avant

La lettre d’intention est écrite en anglais et elle est plus longue que la moyenne.

Ce qui reste à finaliser a trait aux financements complémentaires à mobiliser par la Tunisie pour boucler son schéma de financement budgétaire et faire fonctionner le cadrage macroéconomique convenu.

La Tunisie doit mobiliser rapidement au moins 2 milliards auprès des fonds bilatéraux et multilatéraux. On pense notamment aux pays arabes du golfe persique: Arabie Saoudite et Emirats arabes unis notamment. Des pays occidentaux sont sollicités aussi. Des pays, dont les représentants seront présents dans les couloirs de Davos.

Si tout va bien, la finalisation de cet accord passera pour examen du conseil d’administration du FMI, et ce go final se fera juste après le deuxième tour des élections législatives. Il faut croiser les doigts pour que ces élections se passent sans accros et avec un meilleur taux de participation. On peut parier sur la mi-février, pas avant.

L’UGTT fera pression par une série de grèves pour les prochaines semaines, mais le syndicat fera en sorte que la finalisation de l’accord avec le FMI se fasse le plus rapidement possible, et pour cette puissante force syndicale, demain est un autre jour!

* Economiste universitaire, Canada.

Blog de l’auteur: Economics For Tunisia.

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