Le changement climatique est responsable de la hausse du niveau de la mer. Il accentue ainsi la dégradation des littoraux notamment par l’érosion des côtes qui s’effritent, et par la submersion qui fait que les espaces côtiers risquent d’être inondés plus fréquemment. Ce phénomène n’épargne pas la Tunisie qui prend des mesures pour essayer d’y pallier. C’est une véritable course contre la montre…
Par Amina Mkada
Comme les mouvements de la mer érodent les rivages, la mer gagne du terrain sur la terre, et a des chances d’emporter avec elle du sable (littoral sableux), ou de fragiliser les roches, augmentant ainsi le risque d’éboulement (littoral rocheux). Ce phénomène d’érosion entraîne le recul du trait de côte, dans de nombreuses régions du monde, y compris en Tunisie, où ce phénomène est de plus en plus perceptible dans plusieurs régions côtières.
La Tunisie est mêle l’un des pays les plus vulnérables au monde face à la montée du niveau de la mer. Cette vulnérabilité est due à la grande importance socio-économique des côtes dans notre pays.
Parmi les conséquences de ce phénomène, la salinisation des aquifères et des estuaires. Une menace à prendre en compte sérieusement, en cas de surexploitation due à une forte pression démographique, ce qui est déjà le cas avec le nombre grandissant de forages de puits sans autorisation.
La baisse de niveau des eaux souterraines accroît le risque d’une plus forte intrusion d’eau salée, sous l’effet de l’érosion côtière qui se poursuit. De précieuses ressources hydriques sont ainsi perdues.
284 km de plages en érosion
La totalité du linéaire du littoral tunisien en contact avec le niveau de la mer est de 2 290 Km. Il comporte des plages en érosion (13%, soit 284 km de linéaire côtier), dont 189 km en érosion nette et 96 km de plages naturelles disparues ou ayant subi une forte défiguration, suite à d’importants ouvrages de défense lourde. Il se compose aussi de forêts et de cultures littorales, où les oliveraies occupent 103 596 ha, soit 93,8% du total.
Ce même total de 2 290 km de linéaire côtier comporte, également, des côtes sans plage (70%, sur 1623 km); de plages stables (8%, sur 187 km); et de plages «en engraissement» de 9% sur 196 km.
Selon le cycle sédimentaire du littoral, à l’approche de l’été, le sable migre vers le haut de la plage, d’où engraissement de la plage. Au début de l’hiver, il redescend vers l’avant de la plage, d’où phase de dégraissement.
Les terrains bas sont (logiquement) les plus vulnérables, dont le golfe de Gabès et l’extrême sud (80% du total du linéaire côtier), ainsi que les terrains bas des îles à l’est du pays (97% du total du linéaire côtier, de l’ensemble des îles). Il en est de même pour les côtes basses à plages et à marais (en dehors des lagunes), qui figurent également parmi les plus vulnérables, et représentent 67% de la côte continentale de la façade orientale du pays. Leur place grandit de façon remarquable dans le golfe de Gabès (83%) et dans les îles (70,22%).
Les terrains accidentés (logiquement les moins vulnérables) concernent 60% des falaises hautes à moyennes, situées au nord et dans ses îles, notamment à l’ouest de Bizerte, et sur la côte occidentale du Cap Bon.
Tunis, Gabès et Djerba, parmi les plus vulnérables
Les zones urbaines du golfe de Tunis (nord, centre et sud, ainsi que Ghar El Melh (Bizerte) sont parmi les plus vulnérables face à la montée des eaux de mer, qu’elles soient résidentielles (565 km), industrielles (350 km), ou touristiques (40 km) qui ont été étudiées.
Pour ce qui est du golfe de Gabès, les zones urbaines du gouvernorat de Sfax (844 km) notamment, présentent une forte vulnérabilité dans les zones résidentielles (618) et industrielles (226 km). Celles de Chebba également (220 km), ainsi que Mahres (106 km) et Skhira (4 km). Au total, le golfe de Gabès, sur 1 174 zones urbaines vulnérables tous secteurs confondus, le secteur résidentiel (944 zones) est le plus exposé à la montée des eaux. Concernant les zones urbaines vulnérables de Djerba, elles concernent surtout la côte touristique de Midoun, et à un degré moindre, les zones urbaines résidentielles d’Ajim.
Au total, plus de 3 000 ha de côtes urbaines sont jugées potentiellement vulnérables et submersibles suite à une élévation importante et accélérée du niveau de la mer (EANM), dont 50% dans les zones urbaines résidentielles, notamment le centre de Tunis et la côte de Sfax.
Des nouvelles zones menacées
De nouvelles zones urbaines littorales devant accueillir de nouveaux projets touristiques et d’habitat sont aussi jugées submersibles et vulnérables. Celles-ci concernent notamment le nord (Bizerte, la zone touristique de Sidi Salem, le golfe de Tunis, le Port financier de Tunis, et le projet urbain Sama Dubai au Sud du lac de Tunis). Au golfe de Hammamet, sont aussi concernés par le risque de submersion le projet urbain de Mahdia autour de Sebkhat Ben Ghadhaya. Dans le golfe de Gabès, il s’agit du projet urbain côtier de Sfax, Taparura. Dans l’île de Djerba, la menace concerne la station touristique Lella Hadhria.
Au plan humain, près de 300 000 habitants sont menacés par la vulnérabilité des zones urbaines côtières, notamment dans les parties basses des centres villes comme Tunis et Sfax. Ce qui constitue une grande préoccupation, d’autant plus que ces territoires sont denses et comportent d’importants espaces économiques.
Mesures de protection contre l’érosion et la submersion
L’Agence de protection et d’aménagement du littoral (Apal) et la banque de développement allemande KfW ont uni leurs efforts pour lutter contre le problème d’érosion côtière et de risque de submersion. Il prévoit des mesures de protection physique, telles que des digues et des brise-lames à talus, ainsi que des solutions fondées sur la nature, comme la reconstitution et le rechargement des plages, ou la protection, la croissance et la stabilisation des dunes de sable.
Encore faut-il que ces travaux de protection avancent au rythme adéquat pour donner leurs fruits, car le processus de détérioration des côtes avance à un rythme accéléré en raison du changement climatique dont les impacts sont de plus en plus perceptibles sur l’environnement de notre pays qui y est parmi les plus exposés au monde.
Notons que le terme littoral est difficile à définir exactement. Dans le contexte actuel, le littoral est une bande de terre, constituant la zone comprise entre une étendue maritime et la terre ferme. Au sens physique du terme, c’est la bande comprise entre le niveau des plus basses mers et celui des plus hautes mers, donc ce que couvre et découvre la mer.
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