Si la Tunisie peine à faire son décollage technologique, malgré la qualité reconnue de ses ressources humaines dans ce domaine, c’est parce que le principal handicap empêchant un tel décollage y a toujours été, même du temps de feu Ben Ali, l’administration publique par sa hantise du changement et de l’innovation. (Illustration : Pôle Technologique Elghazala, au nord de Tunis).
Par Elyes Kasri *
Lorsque j’étais ambassadeur en Inde (2001-2006), j’ai visité à de nombreuses reprises les parcs technologiques qui ont grandement contribué au développement de ce pays et à son positionnement comme un centre d’innovation technologique et scientifique au niveau mondial et en ont fait un modèle de brain gain, ce qui veut dire le retour au pays des compétences expatriées.
A l’abri des tracasseries de la bureaucratie
Lorsque j’ai demandé à un responsable du célèbre parc technologique de Bangalore (Karnataka) le secret de la croissance fulgurante du secteur informatique en Inde, ce dernier m’a répondu que les activités dans les parcs technologiques, jouissant d’une autonomie totale et échangeant des données immatérielles, ont été à l’abri des tracasseries de la bureaucratie et des douanes et ont pu ainsi se développer au point de pouvoir surmonter la hantise existentielle de l’administration de toute innovation et sa volonté naturelle de tout contrôler et de tout ramener au niveau intellectuel de ses bureaucrates, en plus de leurs pratiques plus ou moins louables.
Le souvenir de cette confession faite par ce responsable indien me rappelle l’affirmation par un observateur étranger que le principal parti d’opposition en Tunisie, même du temps de feu Ben Ali, a été et reste l’administration par sa hantise du changement et de l’innovation.
Il n’y a qu’à voir la lenteur de la numérisation dans les différentes administrations tunisiennes ainsi que l’exode de milliers d’ingénieurs informatiques, faute de perspectives d’emploi, pour réaliser combien la Tunisie est en train de rater des opportunités de décollage et de prospérité.
S’inspirer des expériences réussies ailleurs
Si les pouvoirs publics sont plus à l’aise avec les précédents, autant s’inspirer des parcs technologiques indiens et des zones économiques spéciales chinoises. Par expérience, je sais que ces deux pays sont disposés à collaborer avec la Tunisie en vue de la transposition de ces deux moteurs d’innovation et de développement technologique.
Au lieu de quémander l’aumône et la charité, mieux vaut s’inspirer des mécanismes de développement qui ont fait leurs preuves d’une manière incontestable.
* Ancien diplomate.
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