Mon roi, un film de la réalisatrice franco-algérienne Maïwenn, sorti en 2015, est un film français de haute sensibilité qui n’a pas jouit d’une réception digne de sa qualité.
Par Mohamed Sadok Lejri *
C’est l’histoire de Marie-Antoinette (Emmanuelle Bercot), alias Tony, une jeune avocate qui se remémore son histoire avec Georgio (Vincent Cassel) dans un centre de rééducation. L’homme en question est un restaurateur charmeur qu’elle a rencontré dans une boîte de nuit quelques années auparavant. Il est bon vivant et sûr de lui.
Loin d’être régi par les lois des mélodrames populaires, c’est un film réaliste qui livre des réflexions très pertinentes sur les problèmes que rencontrent bon nombre de couples modernes. Il restitue toute la complexité de la vie à deux.
Egoïsme de l’être aimé
L’histoire de Tony et Gregorio se déploie dans le cadre d’une relation amoureuse déséquilibrée puisque, comme la grande majorité des relations amoureuses, celle-ci repose sur l’un des deux partenaires. Mon Roi tient compte de la fragilité et des réalités des couples d’aujourd’hui.
Nombre de particularités y sont lucidement exposées : les sacrifices que l’on consent à s’imposer au détriment de son bien-être pour faire durer son couple, le manque de considération, l’homme qui n’arrive pas à mettre un terme à sa vie débridée de célibataire endurci, l’égoïsme de l’être aimé et les excuses qu’on lui trouve en invoquant les bons moments seulement – alors que la barque se brise -, l’arrivée du premier enfant qui occasionne un chambardement dans la vie du couple…
Maïwenn et son scénariste Etienne Comar entraînent le spectateur dans les tournoiements de leurs personnages et dans leur tourbillon. Ils dépeignent avec beaucoup de force et de vérité la complexité des deux personnages principaux du film. Ces derniers sont, entre autres choses, entiers, dotés d’un ego assez fort et tiennent à leur dignité. Ils s’aiment passionnément, mais ne peuvent vivre ensemble.
La narration, d’apparence brouillonne, est bien construite et maîtrisée de bout en bout. Non sans harmonie, ce film oscille habilement entre légèreté et gravité, les rires alternent avec les larmes et les crises d’hystérie, les mots d’amour avec les piques envenimées, le désir avec le rejet, le plaisir avec la souffrance. Maïwenn et son scénariste ont réussi à instiller de l’amour dans chaque scène, même lors des violentes disputes.
Entre légèreté et gravité
Mon Roi scrute et met en scène, avec beaucoup de finesse et de subtilité, les situations où se jouent les tournants décisifs de la vie du couple. Même si l’on décèle dans ce film de la réflexion, des éclairs d’inspiration et de l’intuition, on sent qu’il y a beaucoup de vécu dans les scènes empreintes de réalisme et de vérité. C’est un film qui traque des instants de vérité qui touchent à une part intime en chacun de nous.
Démontrant un talent exceptionnel et perfectionné par plusieurs décennies d’expérience, Vincent Cassel y livre une performance magistrale ! Je n’ai jamais été très fan de cet acteur, mais il est impressionnant dans ce film. Il en est de même pour Emmanuel Bercot qui joue le rôle de sa conjointe.
Enfin, je ne puis m’empêcher de dire qu’en regardant Mon Roi, le petit chef-d’œuvre de Maurice Pialat, en l’occurrence Nous ne vieillirons pas ensemble, ne manquera pas de se rappeler au bon souvenir de tout cinéphile qui se respecte. Encore un film français de haute sensibilité qui n’a pas jouit d’une réception digne de sa qualité ! Et c’est regrettable.
* Universitaire.
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