Le poème du dimanche : ‘‘Les poèmes d’Ossian’’ de James Macpherson

James Macpherson (1736-1796) est un poète écossais qui a marqué le romantisme européen naissant, célébrant la nature et l’amour.  Et dénonçant la guerre.  

Longtemps, en écrivant, ‘‘Poèmes à Selma’’, j’étais plongé dans la passionnante controverse concernant les ‘‘Poèmes d’Ossian’’ qu’a fait paraître, en 1773, le poète écossais.

Ces poèmes, qu’il a attribués à la tradition orale des anciens bardes, seraient plutôt, de sa pure invention. Supercherie littéraire ? Masque ? Ou habilité dans l’écriture littéraire ? Cela étant, on ne peut, aujourd’hui, séparer les poèmes d’Ossian de ceux de Macpherson.

Leur retentissement fut si grand qu’il dépassa les frontières et marqua le romantisme européen.

L’Irlande ne fut pas en reste et reprit à son compte cet héritage commun. Plusieurs auteurs et non des moindres, aux 18e et 19e siècles, ont proposé différentes traductions des ‘‘Fragments’’ qui composent ce beau chant amoureux entre le couple, Shilric et Vinvela, chant épique, douloureux, célébrant la nature, dénonçant la guerre.

Tahar Bekri

Fragment II

Je suis assis sur la mousse qui borde la fontaine, au sommet de la colline des vents. Les branches d’un arbre s’agitent sur ma tête ; des eaux bourbeuses roulent sur la bruyère, et les flots du lac sont troubles. Le chevreuil descend de la colline. On ne voit paraître aucun chasseur dans l’éloignement ; on n’entend point le sifflet du bouvier. Il est midi, et tout est dans le silence. Je suis solitaire, et mes pensées sont tristes. Est-ce toi que je n’ai fait qu’apercevoir, ô mon amie, errante dans la plaine, tes cheveux flottant au gré du vent derrière toi, ton sein palpitant, et tes yeux versant des larmes pour tes amis, que le brouillard de la colline t’avait cachés ? Je voudrais te consoler, mon amie, et te ramener à la maison de ton père.

Mais est-ce elle qui paraît semblable à un rayon de lumière sur la plaine, brillante comme la lune en automne, comme le soleil dans un orage d’été ? Viens-tu vers moi, fille aimable, à travers les rochers, à travers les montagnes ?…Elle parle ! Mais que sa voix est faible ! C’est comme un zéphir dans les roseaux de l’étang. Ecoutons.

– As-tu enfin échappé aux dangers de la guerre, ô mon amant ? Où sont tes amis ? J’ai appris ta mort sur la colline, je l’ai apprise et je t’ai pleuré, Shilric !

Oui, ma belle, je reviens, mais je reviens seul de ma race. Tu ne les verras plus ; j’ai élevé leurs tombeaux sur la plaine. Mais pourquoi es-tu sur la colline déserte ? Pourquoi erres-tu seule sur cette plaine ?

– Je suis seule, ô Shirlic, seule dans la cabane d’hier. J’expirais de douleur pour toi, Shilric ; je descends pour toi dans le tombeau.

Elle tombe ! Elle s’évanouit, comme les brouillards grisâtres au souffle du vent. Arrête, ô mon amie ! Arrête et vois mes pleurs. Tu paraissais belle, mon amante, tu étais si belle quand tu vivais !

Je m’assoirai sur la mousse qui borde la fontaine, au sommet de la colline des vents. Lorsque le silence du midi se répandra sur tous les environs, viens converser avec moi, mon amante ! Viens sur les ailes du vent ! Viens sur le souffle de la montagne ! Fais-moi entendre ta voix en passant, lorsque le midi répandra le silence autour de moi.

(Traduit de l’anglais par Denis Diderot)

* Fragments de poésie ancienne, édition préparée par François Heurtematte, Ed. José Corti, 1990.

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