Tunisie : la baisse de l’inflation à 9,6% n’est pas due à la hausse du taux d’intérêt

L’Institut national de la statistique (INS) a constaté, dans un communiqué publié le 5 juin 2023, une baisse du taux d’inflation en Tunisie à 9,5% contre 10% le mois dernier. C’est la conséquence du même phénomène constaté chez nos principaux partenaires, à savoir la France, l’Italie, la Chine, etc. L’impact de la hausse des taux d’intérêt dans notre pays y est très limité.

Par Moktar Lamari *

A l’évidence, ce repli s’inscrit dans une trajectoire tendancielle plutôt internationale. Partout dans les principaux pays partenaires de la Tunisie, l’inflation se contracte (même en Turquie). Les marchés internationaux se redressent progressivement et se rétablissent après le Covid-19.

C’est le contexte du marché international, la hausse des taux d’intérêt directeurs par les banques centrales de ces grands pays industriels ont eu impact sur l’inflation, mais aussi sur la croissance. Dans ces pays, les taux directeurs sont passés en quelques mois de zéro (même du négatif) à plus de 5%.

Monétarisme sur parole!

En Tunisie, les taux étaient déjà élevés, très élevés avant d’être haussés exagérément, et plusieurs fois. Tous les prétextes sont bons et la Banque centrale de Tunisie (BCT) n’en fait qu’à sa tête, sans évaluation, sans traçabilités… Elle est juge et partie! On doit prendre pour argent comptant les explications du gouverneur Marouane Abassi…

Dans les faits, l’action monétariste menée par la BCT est loin d’être efficace dans le contexte actuel en Tunisie. Notre économie est structurellement rigide, peu concurrentielle et les mécanismes de transmission des politiques monétaires sont dysfonctionnels, pour ne pas dire bloqués.

Mon postulat explicatif que je propose au débat est le suivant: la politique monétaire de la BCT n’a rien à voir avec ce repli de l’inflation. Et il faut rendre à César ce qui appartient à César.

Dans la même veine, les politiques gouvernementales répressives contre les spéculateurs et la constitution de stocks en produits alimentaires auraient eu peu d’impact contre les hauts et les bas prix, tellement les monopoles de la distribution sont bien installés.

Merci le marché international

Malgré la sécheresse, malgré les tensions sociales et malgré les incertitudes, certains prix des produits baissent … merci le marché international et son vis-à-vis national.

Encore une fois, les faits démontrent que les hausses successives du taux directeur en Tunisie ne changent rien à l’inflation, une inflation importée, une inflation dont les estimations sont de facto exagérées par les biais statistiques implicites aux méthodes de calcul.

Le marché parallèle (souks hebdomadaires) est dominant, et ses prix sont bien plus bas que ceux des circuits officiels. Mais l’INS ne tient pas compte des marchés informels, et ne ventile pas ses calculs par région. Cela tombe bien, un taux d’inflation surestimé arrange tout le monde, les banques (grâce aux majorations des taux), les entreprises qui ajustent leurs prix à l’inflation. Et même les syndicats affectionnent ces surestimations, les salaires étant indexés au taux d’inflation!

Le repli de l’inflation en Tunisie constaté par l’INS est plutôt le reflet du repli du même taux chez les principaux partenaires de la Tunisie. On peut même dire que l’économie tunisienne est perméable à la danse des prix dans les pays partenaires, qui sont principalement des pays plus développés et mieux gouvernés.

Source : Economics for Tunisie, E4T.

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