La Tunisie pourra-t-elle mobiliser auprès des pays du Golfe les 3 milliards de dollars de cofinancements exigés par le Fonds monétaire international (FMI) pour débloquer le prêt de 1,9 milliard promis depuis octobre dernier, et non encore accordé ? L’espoir est permis… (Illustration: poignée de main entre Nabil Ammar et Abdallah Ben Zayed Al-Nahyane, chef de la diplomatie émiratie).
Par Imed Bahri
Le ministre des Affaires étrangères, Nabil Ammar, a entamé, dimanche 16 juillet 2023, à Koweït City, une tournée dans plusieurs pays du Golfe qui l’amènera, également, jusqu’au 20 juillet, aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite. Au programme, en plus des rencontres avec ses homologues, des réunions avec des responsables de fonds de développement, de financement et d’investissement, ainsi que des responsables de chambres de commerce et autres opérateurs économiques.
L’objectif non annoncé de cette tournée : mobiliser les co-financements garantissant le prêt de 1,9 milliard de dollars attendu du FMI.
Les pays du Golfe font partie des bailleurs de fonds historiques de la Tunisie mais leur engagement aux côtés de notre pays a beaucoup faibli au lendemain de la révolution du 14 janvier 2011, qui a été moyennement appréciée – c’est un euphémisme – par les monarchies familiales régnant dans ces pays.
Mort du «printemps arabe»
La crainte de la contagion du «printemps arabe» semble avoir poussé les Etats du Golfe à miser sur l’échec de la transition démocratique dans notre pays. Et leurs souhaits n’ont pas tardé à être exaucés par l’échec économique de tous les gouvernements qui se sont succédé à Tunis au cours de la dernière décennie et, surtout, la proclamation de l’état d’exception par le président Kaïs Saïed, le 25 juillet 2021, et le retour en Tunisie d’un régime autoritaire comme la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord sait en enfanter.
Entretien Nabil Ammar avec son homologue koweïtien Salem Abdullah Al-Sabah.
Cependant, cette évolution conforme à leurs souhaits ne semble pas avoir dissipé les craintes et les réserves que les «frères arabes» du Golfe nourrissent à notre égard. Ils ont, en tout cas, continué à tenir en suspicion l’actuel homme fort à Carthage et à appréhender son nationalisme arabe, son antisionisme tapageur et ses élans vaguement révolutionnaires (des défauts majeurs à leurs yeux) qui leur rappellent un ancien leader maghrébin qui leur a longtemps donné du fil à retordre, Mouammar Kadhafi en l’occurrence.
Aussi, et malgré le lobbying de certains dirigeants européens, notamment italiens, en faveur de la Tunisie, les monarchies du Golfe n’ont pas montré une grande disposition à apporter à notre pays le soutien financier dont il a besoin pour financer son budget, payer ses dettes, et relancer son économie en panne. Quant aux gros projets d’investissement annoncés en grande pompe avant 2011, ils ont tous été mis en veilleuse et rien n’indique qu’ils vont être bientôt relancés.
La Tunisie rentrée dans les rangs
C’est dans ce contexte que s’inscrit la tournée du ministre des Affaires étrangères dans les pays du Golfe. Le but étant d’essayer de mobiliser une partie des fonds supplémentaires qu’exige le FMI avant de donner son accord définitif pour le prêt de 1,9 milliard de dollars, promis depuis octobre dernier et qui tarde à être accordé.
«On sait que le FMI ne pourra pas dépasser un certain seuil dans le financement des pays en difficulté budgétaire et ayant un urgent besoin de prêts internationaux. Généralement, le FMI finance le tiers, et exige que les 2/3 additionnels viennent d’autres sources de financements», explique l’économiste Moktar Lamari dans un post publié lundi 17 juillet sur son blog Economics for Tunisia, E4T. Il ajoute : «Admettons que l’Union européenne mobilise 1,1 milliard de dollars, il faudra encore presque 3 milliards de dollars à mobiliser par d’autres sources de financements. Le tout pour atteindre les 2/3 requis, l’autre tiers devant venir du FMI (1,9 milliard de dollars).»
Il reste cependant à connaître les arguments politiques que M. Ammar mettra en avant dans les discussions avec ses homologues du Golfe pour vaincre leurs résistances et les convaincre de l’intérêt qu’ils auraient à tendre de nouveau la perche à une Tunisie enfin rentrée dans les rangs et revenue de ses illusions démocratiques.
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