Né à Chebbia, Tozeur, dans la région oasienne du sud-ouest de la Tunisie, en 1909, on ne présente plus le grand poète national tunisien Aboulkacem Chebbi, décédé en 1934 à 25 ans et auteur d’un seul recueil qui lui valut la postérité.
De formation classique à ma mosquée Zitouna, ) Tunis, il devient la voix de la modernité et un de ses pionniers. Marquée par le romantisme européen, son œuvre est un vrai cri de liberté, de révolte, chant d’amour et célébration de la nature.
Il décède très jeune à l’âge de 25 ans, en 1934, laissant un recueil, publié à titre posthume en 1955, Aghani al Hayat (Les Chants de la vie).
Tahar Bekri
Aux tyrans du monde
Tyran injuste ami des ténèbres ennemi de la vie
Tu t’es moqué des souffrances d’un peuple faible
Et la paume de ta main en est entachée de sang
Tu es allé défigurer la magie de l’existence
Et semer les ronces du malheur dans ses collines
Patience ! Que le printemps ne te trompe point
Ni la clarté de l’espace ni l’éclat du matin
Dans le vaste horizon il y a l’obscurité terrible
Le grondement des tonnerres les vents tempétueux
Prends garde ! Sous la cendre le feu
Celui qui sème les épines récolte les blessures
Médite ! Là-bas là où tu fauchas les têtes
Et les fleurs de l’espérance
Où tu irriguas de sang le coeur de la terre
Que tu abreuvas de larmes jusqu’à l’ivresse
Le torrent t’emportera un torrent de sang
Et tu seras dévoré par la tempête en flammes
Traduit par Tahar Bekri
Tozeur.
L’amour
L’amour est une flamme de lumière ensorceleuse
Etincelante descendue du ciel à l’aurore
Il déchira des paupières du temps les voiles.
Et des visages de la nuit la bure du crépuscule
L’amour est une âme divine
Ses jours alliés à la lumière de l’aube et l’aurore
Il parcourt le monde et en fait une étoile
Belle rieuse et radieuse
Sans lui ni chanson ne s’entend dans l’univers
Ni s’accordent entre eux ceux à l’horizon
L’amour est un ruisseau de vin celui qui en goûte
Plonge en enfer ne se sauve de la brûlure
L’amour est le but des espérances de la vie
Qu’ai-je à avoir peur si la tombe m’enserre ? A être effrayé?
Traduit par Tahar Bekri
Portraits d’Aboulkacem Chebbi par le peintre Abdelmajd El Bekri / Monument d’Aboulkacem Chebbi au parc Ras El-Ain à Tozeur.
Pour l’Histoire
Au fils du peuple la misère qui use son cœur
La gloire et la richesse pour les étrangers
Le peuple a les paupières bandées
Partagé entre le loup et le boucher
Le droit a la langue coupée et menotté
L’injustice s’amuse de la robe dorée
Ceci est un peu d’une vie amère
Dans l’Etat des monuments et des titres
Les Chants de la vie, 1934
Traduit de l’arabe par Tahar Bekri
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