Dans une clinique de Tunis, Bintou, 25 ans, vient du Niger pour une procréation médicalement assistée. Comme elle, plus de deux millions d’étrangers se font soigner chaque année en Tunisie, où le tourisme médical est l’un des rares secteurs prospères dans une économie en déclin.
«La Tunisie est la première en Afrique en termes de demande et d’offre de traitements», explique à l’AFP le Dr Nadia Fenina, responsable au ministère de la Santé.
Malgré la pause due au covid-19, ce secteur «prioritaire» génère environ 3,5 milliards de dinars (plus d’un milliard d’euros) de chiffre d’affaires annuel. L’année dernière, le tourisme médical (hospitalisations, médicaments, activités connexes) a représenté la moitié des revenus de l’ensemble du secteur touristique. Pourtant, le tourisme, qui représente 9% du PIB, reste fondamental pour un pays, lourdement endetté, qui progresse lentement (croissance estimée à 1,2% en 2023).
Pendant trois ans, Bintou Yunoussa a suivi plusieurs traitements à l’étranger pour avoir un enfant avant qu’un proche ne la recommande à un médecin «très compétent» en Tunisie. «Ma belle-sœur a eu des jumeaux après une insémination réalisée en Tunisie, c’est pour cela que j’ai choisi de venir faire une fécondation in vitro», explique Yunoussa.
Sa sœur Khadija, 32 ans, qui l’accompagne, a fait congeler ses ovules dans la même clinique privée de Tunis, spécialisée en PMA (procréation médicalement assistée), il y a cinq mois et ne ressent aucune gêne en Tunisie, théâtre d’incidents racistes dans le pays au printemps 2023 après un discours anti-migrants virulent du président Kaïs Saïed. «Je me sens chez moi ici», dit-elle.
Des coûts sont dix fois moins élevés qu’en Europe
L’année dernière, le centre a reçu 450 couples pour une fécondation in vitro, dont beaucoup d’origine subsaharienne et originaires de pays dépourvus de centres de traitement de l’infertilité, a déclaré à l’AFP le Dr Fethi Zhiwa, spécialiste de l’infertilité. Les autres étaient des Maghrébins ayant des familles en Tunisie, ou des Occidentaux (Anglais, Suisses et Canadiens notamment), venus «parce que les coûts sont dix fois moins élevés» que dans leur propre pays. «Ils choisissent aussi la Tunisie parce que nous avons des spécialistes de la fertilité de renommée mondiale», ajoute le médecin.
Chaque année, plus de 500 000 patients étrangers sont hospitalisés en Tunisie et plus de deux millions bénéficient de soins ambulatoires. Parmi les patients étrangers, les Libyens arrivent en tête, suivis par les Algériens puis les citoyens d’Afrique subsaharienne, selon le responsable. Plus de la moitié des patients recherchent un traitement pour PMA en oncologie (chimiothérapie et hormonothérapie), en cardiologie ou en orthopédie. Quant aux Européens, ils viennent majoritairement pour la chirurgie esthétique qui représente 15% des soins.
La Tunisie est «la première» en Afrique grâce à «une centaine de cliniques privées spécialisées dotées d’un plateau technique et de spécialités de haut niveau, ainsi qu’une expertise reconnue», explique le Dr Fenina.
Un fort potentiel non encore exploité
Mohamed, un Libyen de 59 ans, vient tous les six mois en Tunisie pour un contrôle avec son cardiologue après une opération «délicate». «Ce médecin m’a sauvé la vie, je ne le changerai jamais», confie-t-il. Avec son épouse, Mohamed compte «profiter de ce voyage à Tunis pour passer quelques jours de détente à Tabarka», au nord-ouest de la Tunisie. «Le tourisme médical est étroitement lié au secteur (touristique) mondial car un patient étranger est aussi un touriste, qui ne vient généralement pas seul et a donc besoin d’un hébergement décent», confirme le médecin. «La promotion du tourisme médical dépend du développement du secteur touristique» dans son ensemble. «Si nous n’avions pas eu un tourisme bien développé et bien structuré, nous ne serions pas arrivés à ce stade», dit-il. Pour le Dr Fenina, le tourisme médical a «un fort potentiel et pourrait atteindre des chiffres plus élevés si nous surmontons certains obstacles et limitations». Il a évoqué l’absence de lignes aériennes directes entre la Tunisie et certains pays d’Afrique subsaharienne et la lenteur de l’octroi des visas, «c’est pour cela que nous travaillons sur un visa médical».
Pour faciliter l’arrivée et le suivi des patients en Tunisie, le ministère de la Santé prépare un texte qui organise l’activité de toutes les parties intéressées : agences spécialisées, animateurs. Le ministère tunisien collabore également avec le secteur privé pour créer d’autres cliniques et de nouveaux centres d’accueil pour les personnes âgées non autonomes venant d’Europe.
D’après AFP.
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