En ces temps difficiles, en ces moments de décisions douloureuses, les Tunisiens s’attendent à plus de rigueur et à plus lucidité de la part de leurs économistes universitaires. En somme, à plus de responsabilité… face à l’histoire! (Illustration : siège de la Banque centrale de Tunisie).
Par Sadok Rouai *
Il est crucial que les économistes, en particulier ceux qui enseignent à l’université, maintiennent un niveau élevé de rigueur et de critique académique dans leurs interventions publiques, notamment dans les médias. Des médias qui ne cherchent pas toujours la rigueur et s’intéressent davantage à l’audimat, à l’argent facile.
Plutôt que de simplement répéter les déclarations des politiciens, ils devraient toujours se référer à leurs propres analyses et résultats de recherche. Ils sont économistes, et pas pour rien! Ils sont membres d’une communauté de savoir qui a ses concepts, outils et fondamentaux théoriques.
La science économique c’est sérieux!
En agissant ainsi, non seulement ils préservent l’intégrité de leur profession, mais ils évitent également de propager des informations erronées, fallacieuses et inspirées par celles qu’on leur raconte et qu’ils absorbent sans réfléchir, pour les répéter comme des perroquets.
Quand on est incertain sur des sujets et enjeux économiques graves, il vaut mieux prendre le temps pour documenter le sujet et se faire tous les préalables requis avant de se prononcer.
La science économique c’est sérieux! El il n’y a pas de place pour l’improvisation et le bricolage. A cela il faut ajouter la probité et l’intégrité!
Dans un précédent message, j’avais souligné que la déclaration de la ministre des Finances, selon laquelle une partie du prêt [sur dix ans et avec un taux d’intérêt nul que la Banque centrale de Tunisie va verser au trésor publique, Ndlr] serait utilisée pour financer des investissements publics, est incorrecte, infondée, et surtout impossible à concrétiser.
Malheureusement, beaucoup continuent à se référer à, et à être confortés par, cette déclaration ministérielle qui ne cadre pas avec la réalité.
Dire la vérité, toute la vérité à l’opinion publique
Les 7 milliards ne représentent pas des ressources supplémentaires que l’État peut utiliser à sa discrétion. Ils serviront exclusivement à combler une partie du déficit budgétaire de 2024.
Les dépenses d’investissement sont déjà incluses dans le budget et, malheureusement, si l’État ne parvient pas à atteindre ses objectifs d’emprunt, il risque de réduire les dépenses d’investissement, comme l’expérience l’a démontré.
Tout le monde sait que les déficits budgétaires sont chroniques en Tunisie, et c’est cela qui gonfle lune dette publique, devenue avec le temps insoutenable et ne laissant aucune marge de manœuvre pour faire croître l’investissement et les chances de relance de la croissance.
Nos collègues économistes ont une responsabilité historique dans ce contexte difficile en Tunisie. Ils doivent expliquer et dire la vérité, toute la vérité aux médias, aux élites politiques et à l’opinion publique sur ce qui doit être fait, ce qui est faisable … ou simplement faux! **
Source : Economics for Tunisia, E4T.
* Economiste, ancien conseiller principal du directeur général du FMI.
** Le titre et les intertitres sont de la rédaction. Le titre original de l’article: «La Tunisie a besoin de toute la rigueur et tout le sens critique de ses économistes».
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