‘‘Enchanter sa vie…’’ (Sahar Editions, Tunis 2024, 195 pages), le titre du dernier roman de Anouar Attia, et le dixième en date depuis son premier, ‘‘De A jusqu’à Z’’, paru en 1978, annonce la couleur : il s’agira surtout d’amour et d’amitié, comme dans la plupart de ses derniers romans, où se laisse deviner une grande part d’autobiographie. Mais ce n’est pas là l’intérêt.
Par Imed Bahri
Le narrateur, au crépuscule de sa vie, se souvient. Il s’adresse à son cousin et passe en revue le chemin qu’ils ont parcouru, ensemble ou séparément, dans les sentiers tortueux de la vie. Ce qui les lie, ce sont les liens familiaux et de voisinage, l’amitié partagée, la camaraderie et, bien sûr, l’amour qu’ils avaient tous deux pour la même cousine. Loin de les séparer, cet amour les rapproche et les unit, sans jalousie ni ressentiment, même si la dulcinée finit par choisir et par épouser celui qui, sa vie durant, continuera à se demander sur les raisons de ce choix, sans jamais en avoir l’explication de celle-là même qui partagera sa vie.
Dans ce récit très intimiste, joyeux, souvent drôle, Anouar Attia donne la pleine mesure de son talent de conteur. Il déploie, à travers l’évolution de ses personnages, l’histoire d’une société tunisienne, tiraillée entre modernité d’apparat et conservatisme de fond, éprise de progrès mais paralysée par ses préjugés. Il déploie aussi les fastes d’une ville, Sousse, jamais nommée, mais présente par ses quartiers bigarrés et ses foules joyeuses. On aime y humer les parfums de l’été, les corps qui exultent et les cœurs qui vibrent. Et on se laisse entraîner dans les méandres des souvenirs que le narrateur déploie avec beaucoup de maîtrise, même si sa narration est parfois déroutante, suivant des voies inattendues, comme ces pages consacrées à raconter les dérapages du régime Ben Ali, lesquelles nous ont semblé quelque peu greffées, inutiles et sans intérêt pour l’intelligence du récit.
Dans cet hymne à l’amour, donné et partagé, qui enchante la vie et donne des couleurs aux travaux et aux jours, c’est la littérature qui triomphe, comme souvent dans les romans de Anouar Attia, un auteur qui puise dans sa triple culture, arabe, anglaise et française, des trésors de poésie qu’il sème au fil des pages, donnant aux sentiments exprimés cette densité humaine qui leur confrère une certaine universalité.
De la lecture de ces 195 pages d’une belle écriture, on sort ébloui, enchanté et un brin plus intelligent.
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