Le 4 mars, la Commission européenne a annoncé le décaissement de l’appui budgétaire tunisien dans le cadre du protocole d’accord Union européenne (UE)-Tunisie. Le parlement de Strasbourg a demandé à l’exécutif européen des éclaircissements sur les critères ayant justifié le décaissement et a critiqué la décision de décaisser les 150 millions en une seule tranche.
Par Simone De La Feld
Le Parlement européen poursuit sa croisade contre le controversé protocole d’accord avec la Tunisie signé en juillet 2023 par la Commission européenne. Après avoir douté à plusieurs reprises de la légitimité de son mandat, ainsi que de sa signification politique, l’hémicycle de Strasbourg a soumis au vote une résolution dans laquelle il exige que l’exécutif européen explique la récente décision de procéder au décaissement de 150 millions d’euros en faveur de la Tunisie.
La résolution a été adoptée jeudi 14 mars 2024 avec 243 voix pour, 167 contre et 41 abstentions. Ainsi, les députés demandent à la Commission de clarifier en quoi elle considère que la Tunisie répond aux critères relatifs aux valeurs fondamentales, comme indiqué dans son plan d’action, où elle parle de «progrès satisfaisants» justifiant le décaissement de l’appui budgétaire.
Les 150 millions en question ont été libérés le 4 mars dernier et font partie du premier des cinq piliers du Partenariat global conclu avec le président Kaïs Saïed, celui sur l’assistance macroéconomique. Il s’agit de la première partie d’un plan substantiel d’un milliard d’euros, dont les 900 000 euros restants sont toutefois liés au déblocage du maxi-prêt que le Fonds monétaire international (FMI) avait négocié plus tôt avec Saïed et qui est resté gelé en raison du refus du président tunisien de l’accompagner d’une série de réformes économiques impopulaires.
Non-respect du droit inaliénable de contrôle parlementaire
Ce n’est pas seulement le décaissement lui-même qui suscite des doutes, mais aussi la manière dont il a été effectué. En fait, le Parlement européen se demande pourquoi la Commission a choisi de décaisser le montant en une seule tranche au lieu d’un décaissement progressif basé sur des cibles ou des objectifs concrets atteints, excluant ainsi la possibilité de «suspendre d’autres décaissements en cas d’érosion évidente des valeurs fondamentales ». La dégradation de l’État de droit en Tunisie, prise en charge dans la foulée par le président Saïed, a déjà été dénoncée par le Parlement européen dans une résolution datant de mars 2023.
Ce qui exaspère également le rapporteur du texte voté aujourd’hui dans l’hémicycle, l’eurodéputée néerlandaise Tineke Strik, c’est le non-respect par la Commission européenne du droit inaliénable de contrôle parlementaire. Déjà dans une lettre envoyée le 25 janvier par le groupe des Verts à la commission des affaires étrangères (AFET) du Parlement, Strik et ses collègues se plaignaient de n’avoir «jamais reçu de réponse concluante de l’exécutif européen» aux demandes continues d’informations sur le contrôle du respect de l’État de droit, de la démocratie et des droits de l’homme dans le cadre de l’accord avec la Tunisie et sur l’éventuelle application d’une certaine forme de conditionnalité pour autoriser le financement.
La décision de la Commission de recourir à une procédure d’urgence pour le décaissement des 150 millions, même si elle n’a certainement pas manqué de temps pour utiliser la procédure standard de juillet 2023 à aujourd’hui, «démontre le non-respect du contrôle parlementaire», comme l’ont indiqué les députés dans leur résolution.
Les conditions convenues pour le paiement des 150 millions
Une porte-parole de la Commission européenne a précisé à Eunews que «le paiement a été effectué après que la commission ait évalué positivement la réalisation par la Tunisie à la date de janvier 2024 des conditions mutuellement convenues dans l’accord de financement». Précisant en outre que ces conditions concernaient «les progrès dans la mise en œuvre de la politique macroéconomique en faveur de la stabilité, de la bonne gestion des finances publiques, de la transparence et du contrôle budgétaire».
Dans la Convention de Financement signée avec Tunis, il y aurait alors trois conditions particulières supplémentaires : la publication de la Loi de Finances pour 2024 et ses annexes, l’adoption du Plan d’action de gestion des finances publiques par le Conseil des ministres, et l’avancement de la discussion macroéconomique.
Traduit de l’anglais.
Source : EU News.
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