Diffusé le 24 février 2024 sur la chaîne Arte, en pleine guerre d’Israël contre la bande de Gaza, ‘‘Palestine Islands’’, court-métrage de fiction de 22 minutes coécrit et coréalisé par la Franco-tunisienne Nour Ben Salem et le Français Julien Menanteau, présente la question palestinienne sous un angle inattendu, tragi-comique, décalé mais très touchant.
Par Imed Bahri
Loin des plaidoyers juridiques, des positions politiques tranchées, et des partis-pris idéologiques, les jeunes cinéastes nous invitent à regarder la question palestinienne dans une perspective déroutante, à travers le vécu d’adolescents dans un camp de réfugiés palestiniens subissant la colonisation, l’exil et l’enfermement, tout en cherchant à s’en évader par l’imagination, transcendant la douleur par l’espoir, le poids du passé n’interdisant pas une fragile ouverture sur un avenir possible.
Un film dans le film
La réalité des camps de réfugiés est suffisamment cruelle et oppressante pour qu’on ne cherche pas à la dépasser par le rêve, semblent dire Nour Ben Salem et Julien Menanteau, qui ont pris le parti de tourner leur film dans un camp palestinien en Jordanie avec des jeunes palestiniens jouant en quelque sorte leurs propres personnages. Et c’est un film dans le film qu’ils jouent, dans une sorte de mise en abyme donnant une densité dramatique au récit et, à travers lui, au vécu de ces réfugiés dont l’horizon est bloqué par les murs d’isolement qu’on élève autour d’eux et à l’intérieur desquels on cherche à les étouffer et à tuer leurs rêves les plus simples : partir, revenir au pays de l’enfance, revoir la mer…
Le film démarre par une dabka palestinienne, dansée dans la poussière d’un camp palestinien de Cisjordanie. Maha, douze ans, commente la scène, puis, sur le chemin du retour à la maison, trouve son grand-père aveugle aux prises avec un malaise. Le vieil homme, qui a passé toute sa vie dans un camp, n’a qu’un seul rêve, qui est celui de tout Palestinien, revenir sur sa terre natale, et revoir la mer dont des murs érigés par Israël lui interdisent l’accès.
Un scénario fou
L’adolescente imagine alors un scénario fou qu’elle voudrait faire vivre à son grand-père, comme pour exaucer son vœu le plus cher : lui faire croire que le mur de séparation est tombé et qu’un retour sur sa terre natale est possible. Et c’est ce «film dans le film» que Nour Ben Salem et Julien Menanteau nous font vivre, en suivant les tribulations de Maha et de ses amis en train d’offrir au vieil homme une sorte de dernier voyage, entre fiction et réalité, entre joie et tristesse, entre rires et pleurs…
Sélectionné par Short Shorts 2024, le festival international du court-métrage de Tokyo, ‘‘Palestine Islands’’ est la première réalisation de Nour Ben Salem, qui a fait des études de cinéma et à la Sorbonne et de télévision à la Fémis. Son coréalisateur a fait des études de cinéma à Montréal et à la Sorbonne, avant de réaliser un premier court métrage ‘‘Rikishi’’, suivi de ‘‘Samaritain’’, un documentaire de création tourné pendant deux ans en Palestine, et d’un premier long métrage de fiction ‘‘Lads’’.
‘‘Palestine Islands’’ pourrait être le début d’une œuvre commune de ces deux jeunes réalisateurs qui ne conçoivent pas le cinéma comme un simple divertissement, mais lui donnent aussi pour mission de témoigner du bruit et de la fureur d’un monde où les injustices sont loin d’être terminées.
Entretien avec Nour Ben Salem et Julien Menanteau.
Voir le film en streaming sur le site d’Arte.
Voir le film sur Youtube.
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