Dans un marché exsangue comme celui de la Tunisie, il y a toujours des spéculateurs qui essayent d’augmenter indument leurs profits, mais le remède radical aux pénuries actuelles n’est pas, à l’évidence, la répression policière, aussi efficace soit-elle; elle est, plutôt, dans la relance de la machine de production et la réforme des circuits de distribution, afin de réduire les marges que s’accordent les intermédiaires.
Par Latif Belhedi
Selon une thèse défendue depuis plusieurs années par Kaïs Saïed, les crises que traverse la Tunisie dans plusieurs secteurs ne sont pas réelles, mais artificielles, provoquées par des groupes d’intérêt et des réseaux criminels cherchant à déstabiliser le pays.
Le président de la république estime, également, que ces crises artificielles ou provoquées ne sauraient être résolues que par un rigoureux travail de police.
C’est pour cette raison que le président de la république s’est entretenu, mardi 2 avril 2024, au palais de Carthage, avec le ministre de l’Intérieur, Kamel Feki, le directeur général de la sûreté nationale, Mourad Saïdane et le directeur général commandant de la garde Nationale Houcine Gharbi, pour «appeler à la lutte contre la spéculation et l’augmentation des prix et à l’arrestation des réseaux criminels», selon le communiqué de la présidence de la république publié à l’issue de l’entretien.
Au cours de cet entretien, le chef de l’Etat a déploré «les crises provoquées quotidiennement dans plusieurs secteurs». Et demandé aux principaux responsables de la sécurité, et ce pour la énième fois, de «démanteler les réseaux œuvrant à ravier les tensions sociales par tous les moyens après avoir échoué à déstabiliser l’Etat».
Ces réseaux criminels doivent être éliminés et leurs membres condamnés pour leurs actes, a encore insisté Saïed, qui, en faisant appel à la théorie du complot, semble vouloir éluder la dimension économique du problème des pénuries et des hausses des prix de certains produits de première nécessité dont se plaignent les citoyens, pénuries et hausses des prix qui étaient constatées bien avant le début de ramadan et qui se sont aggravées depuis le début du mois du jeûne, souvent d’ailleurs marqué par une hausse de la consommation, une raréfaction de certains produits et la hausse de leurs prix.
Il y a bien sûr quelques spéculateurs qui profitent de la situation pour essayer d’augmenter leurs profits, et d’ailleurs les services de contrôle ne cessent d’annoncer des arrestations dans leurs rangs, et c’est de bonne guerre. Mais la solution radicale aux crises et aux pénuries n’est pas, à l’évidence, la répression de quelques malfaiteurs, elle est, plutôt, dans la relance de la machine de production et la réforme des circuits de distribution, afin de rogner sur les marges que s’accordent généralement et indûment les intermédiaires.
Concernant certains produits importés (céréales, riz, thé, café, sucre, huile de cuisson, etc.), il n’est pas toujours facile d’éviter les situations de pénurie, surtout que les finances publiques en crise ne permettent aux instances concernées d’importer, suffisamment à l’avance et dans des quantités suffisantes, les produits dont le marché a besoin. D’où, donc, les pénuries dont parle le chef de l’Etat et qui ne sauraient être évitées par le seul travail de la police, laquelle a sans doute beaucoup à faire avec les réseaux criminels pour s’occuper aujourd’hui du bon fonctionnement des marchés.
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