Gaza: Pourquoi la population soutient-elle toujours le Hamas?

Alors que la guerre sanglante livrée par Israël à Gaza continue de faire rage depuis plus de sept mois, la politologue britannique Beverley Milton-Edwards a livré une lecture analytique de la situation qui explique comment après tout ce temps le Hamas peut continuer à tenir tête à Israël et elle décortique avec minutie également les raisons qui font que la population gazaouie ne tourne pas le dos au Hamas et continue de le soutenir. (Illustration: Yahya Sinwar, chef militaire du Hamas, continue de narguer l’armée israélienne).

Imed Bahri

Dans un article d’analyse intitulé «Le Hamas est loin de la défaite, pourquoi?» publié par le Sunday Times qui est l’édition du week-end du quotidien britannique The Times, la politologue Beverley Milton-Edwards, co-autrice d’un prochain livre sur le Hamas et membre non-résident du Conseil du Moyen-Orient pour les affaires internationales à Doha, a fait d’abord référence à l’annonce faite samedi par l’armée israélienne selon laquelle des unités de leurs forces seront transférées vers le nord de la bande de Gaza pour y affronter les combattants du Hamas estimant que c’est la dernière preuve que le mouvement palestinien n’a pas été vaincu.

Il convient de rappeler qu’Israël a prétendu à de nombreuses reprises par la voix de ses différents responsables qu’il a éradiqué militairement le Hamas du nord de la bande de Gaza or cette annonce survenue samedi montre qu’il n’en est rien en dépit de l’isolement de la partie nord du territoire palestinien séparée du sud et en dépit de sa destruction totale. Par conséquent, les hommes des Brigades Ezzeddine Al-Qassam, branche armée du Hamas, sont toujours présents dans le nord et continuent de se battre. 

Un ennemi redoutable pour Israël

Milton-Edwards considère que le Hamas s’est révélé être un ennemi redoutable pour Israël depuis l’opération Déluge d’Al-Aqsa, le 7 octobre dernier, rappelant qu’un groupe relativement petit et bien entraîné a franchi la frontière fortifiée entre Israël et Gaza. Même si les forces israéliennes étaient plus nombreuses et supérieures en termes de formation, le Hamas était en mesure de contrôler les stations d’observation, les bases militaires et même les quartiers généraux régionaux.

Après sept mois de guerre, Israël n’a pas réussi à détruire le Hamas en tant que force militaire et politique. L’Etat hébreu n’a pas éliminé les dirigeants du mouvement qui ont planifié l’opération Déluge d’Al-Aqsa et de nombreux signes laissent penser qu’une nouvelle génération de dirigeants les remplacera.

Milton-Edwards rappelle également qu’au cours des premières semaines et des premiers mois de la guerre, beaucoup doutaient de la capacité des Brigades Ezzeddine Al-Qassam à survivre face aux frappes israéliennes. Elle aborde donc une question ou un enjeu central en l’occurrence comment le Hamas a-t-il pu continuer à tenir tête à l’armée israélienne durant tout ce temps?

D’abord, elle évoque l’importance de la détermination des combattants palestiniens basée sur la foi. Face à l’attaque israélienne, des milliers de combattants engagés du Hamas croient que la mort sur le champ de bataille leur garantit la gloire du martyre, une place au paradis et les libère du fait qu’ils sont un peuple assiégé et occupé.

Ensuite, sur le plan militaire, elle estime que la raison de la survie des Brigades Al-Qassam vient de la stratégie consistant à entraîner les forces israéliennes sur leur territoire sur lesquels ils savent bien se battre et où ils sont avantagés. Entre des ruelles et les entrées cachées, entre les vergers et les collines sablonneuses, les combattants d’Al-Qassam ont pu lancer avec succès des attaques contre des cibles israéliennes. Même les armes israéliennes supérieures comme les chars Merkava ont été endommagées et détruits par les combattants des Brigades Al-Qassam qui utilisent les missiles antichars Shawaz et Al-Yassin 105.

Des milliers de personnes prêtes au combat

Autre élément important et minutieusement décortiqué dans l’analyse de Beverley Milton-Edwards est qu’après sept mois de guerre et d’intense tragédie, la population soutient toujours le Hamas. Elle dit «qu’étonnamment, le soutien au Hamas à Gaza n’a pas diminué et la majorité des habitants de Gaza interrogés pensent que le Hamas gagnera la guerre.» 

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela, estime la politologue britannique.

Premièrement, les habitants de Gaza savent que les destructions qu’ils ont subies sont l’œuvre d’Israël et non du Hamas.

Deuxièmement, par rapport aux plaintes précédentes concernant le Hamas, les combattants du mouvement étaient visibles en train de défendre Gaza. Les Brigades d’Al-Qassam, quelles que soient les affirmations d’Israël, ne se cachent pas dans les tunnels et n’ont pas peur des combats.

Enfin, chaque fois qu’Israël cible des membres de la direction du Hamas, y compris des enfants et petits-enfants, et détruit leurs maisons, cela accroît le sentiment de solidarité et le chagrin de la population. Et malgré que Netanyahu se soit engagé à poursuivre les combats et son objectif est une «victoire complète» contre le Hamas et l’élimination de Yahya Sinwar et des principaux dirigeants du mouvement, le mouvement Hamas a prouvé dans le passé qu’il renaissait et recrutait la prochaine génération de combattants prêts à affronter Israël. Comme Cheikh Yassin, fondateur du Hamas, l’a dit un jour à Milton-Edwards qui l’a rencontré: «Derrière chaque martyr se cachent des milliers de personnes prêtes au combat.»

La survie du Hamas est une victoire en soi.

Pour Milton-Edwards, le Hamas ne capitulera pas et ne se soumettra pas et Israël prétend avoir tué la moitié des combattants des Brigades Ezzeddine Al-Qassam mais ces derniers prouvent chaque jour qu’elles sont capables de poursuivre une résistance acharnée. Il existe cinq bataillons actifs divisés en unités de guérilla mobiles armées de RBG, d’explosifs et de drones qui sont prêts aux affrontements n’importe où. Le Hamas s’est engagé à poursuivre la guerre qu’il a choisie le 7 octobre. Au milieu des décombres et des tunnels profonds de Gaza, sa survie en faisant face à toutes les contraintes est une victoire en soi.

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