Boudjedra charge Sansal et Daoud | «Des idéologues au service de l’ancien colonisateur»

L’écrivain algérien Rachid Boudjedra a raté une occasion de se taire, lui qui n’écrit presque plus (son dernier roman, ‘‘La dépossession’’ est paru en 2017) et qui est presque tombé dans l’oubli. Les mauvaises langues disent qu’il est jaloux du succès de Boualem Sansal et Kamel Daoud qu’il a cru devoir charger pour plaire au régime en place à Alger.

Latif Belhedi

Dans un entretien accordé à la télévision publique algérienne, l’écrivain et ancien maquisard a vivement dénoncé l’attitude de certains auteurs algériens francophones qu’il accuse de «réhabiliter le colonialisme sous couvert de littérature». Une attaque frontale qui vise explicitement Boualem Sansal et Kamel Daoud, qualifiés d’«idéologues opportunistes» atteints, selon lui, du «syndrome du colonisé».

À l’origine de cette sortie médiatique, la réédition de son ouvrage ‘‘Les contrebandiers de l’histoire’’, publié il y a sept ans et désormais disponible dans une version enrichie chez Dar El Hikma. Boudjedra y poursuit son combat contre ce qu’il considère comme une tentative de falsification de l’histoire nationale, menée par une frange d’intellectuels qui, à ses yeux, ont tourné le dos à l’Algérie postcoloniale. «Ils ont saccagé notre mémoire au nom du prestige, de l’argent et de la reconnaissance occidentale», affirme-t-il, tout en évoquant l’influence persistante de «certains lobbys nostalgiques de la colonisation».

Un «écrivain ordinaire» et un «marginal psychologiquement instable»

L’auteur du ‘‘Démantèlement’’ ne mâche pas ses mots : Kamel Daoud est présenté comme un «écrivain ordinaire», dont les chroniques «insultaient les Algériens tout en encensant le colonisateur et en dénigrant la guerre de libération».

Boualem Sansal est décrit comme un «marginal psychologiquement instable», accusé de relayer des thèses jugées «dangereuses», et entretenant «des liens avec l’extrême droite française».

Boudjedra estime que cette tendance littéraire n’est qu’une mode passagère, vouée à s’effacer : «Dans quelques années, ils tomberont dans l’oubli. Même la société française finira par les rejeter.»

L’écrivain appelle les intellectuels algériens à opposer une «guerre des plumes» à ces narrations qu’il juge toxiques. Il plaide pour un «assaut culturel» en réponse à cette relecture de l’histoire algérienne, et insiste sur la nécessité d’une réforme profonde de l’enseignement de la mémoire nationale, à l’école comme à l’université.

Bien qu’outrancières, les critiques qu’adresse Boudjerda à ses deux collègues ne sont pas totalement injustifiées, l’alignement systématique de ces derniers sur les préjugés des anciens colons à propos des Musulmans, des Arabes et des Palestiniens, entre autres sujets, est pour le moins problématique, mais c’est le timing de ces critiques et le fait qu’elles lui valent l’adoubement officiel du pouvoir en place à Alger qui poseraient problème. Un écrivain sérieux est censé éviter l’instrumentation de ses écrits et de ses positions par le pouvoir, quel qu’il soit.

À noter que le président Abdelmadjid Tebboune a reçu officiellement Rachid Boudjedra ce lundi au Palais présidentiel, marquant ainsi une reconnaissance institutionnelle pour cet écrivain engagé, souvent polémique, mais résolument fidèle à une certaine idée de l’Algérie.

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