Jean-Yves Halimi |  Charlotte Gainsbourg, ma mère et la Palestine

La sortie prochaine d’un biopic consacré à Gisèle Halimi, figure emblématique du féminisme, de la défense des droits humains et du combat anticolonial, suscite une vive controverse. Dans le contexte médiatique, Serge Halimi avait déclaré que sa mère aurait lu la tribune de Charlotte Gainsbourg et d’autres comédiens sur Gaza avec «dégoût». C’est l’autre fils, Jean-Yves Halimi, qui a pris la parole pour critiquer plus en détail la crédibilité de l’actrice à incarner Gisèle Halimi, en mettant en avant l’absence d’engagement militant de l’actrice sur des causes essentielles comme les droits des femmes ou la Palestine, et en demandant l’insertion d’un cartel dans le générique pour exprimer la position de la famille.

Jean-Yves Halimi souligne que Charlotte Gainsbourg, contrairement à de nombreuses actrices françaises, n’a jamais pris position sur des questions centrales pour leur mère : les droits des femmes, les agressions sexuelles sur les plateaux de tournage ou les stéréotypes sexistes dans le cinéma. Ces combats étaient au cœur de la vie et de l’action de Gisèle Halimi, qui a fait de la justice et de l’égalité des principes inaliénables.

Les fils Halimi ont demandé à la production d’insérer un cartel dans le générique précisant leur désaccord. Selon eux, ce droit est reconnu par la loi et permet à la famille de protéger la mémoire et l’intégrité d’une figure historique. Il s’agit, expliquent-ils, de rappeler au public que la représentation d’une vie militante doit respecter la cohérence entre paroles et actes.

Le texte souligne également un contraste frappant. Charlotte Gainsbourg s’est engagée contre la déportation d’enfants ukrainiens par la Russie, mais n’a jamais évoqué les 18 000 enfants palestiniens tués à Gaza.

Pour Jean-Yves Halimi, l’engagement de leur mère impliquait une constance morale et une solidarité universelle, notamment envers les populations victimes d’oppression ou de violences. Ces valeurs sont indissociables de la mémoire de Gisèle Halimi et de toute adaptation de sa vie.

Le parcours biographique de l’avocate illustre cette cohérence. Née dans une famille pauvre à La Goulette en Tunisie, Gisèle Halimi a pu étudier grâce à une bourse et à l’influence d’instituteurs admirateurs des idéaux des Lumières et de la Révolution française, de Voltaire à Condorcet. Très tôt, elle s’engage contre le colonialisme, un combat qu’elle poursuivra ensuite avec force pour la Palestine et pour les droits des femmes. Deux attentats de l’OAS visant sa personne n’ont jamais réussi à la détourner de ses combats, bien au contraire : ils ont renforcé sa détermination à défendre les opprimés.

Pour ses fils, ces faits rendent délicate toute représentation cinématographique de leur mère. Ils insistent sur le fait que Gisèle Halimi ne peut être réduite à un rôle esthétique ou à une icône simplifiée. Toute adaptation doit restituer la profondeur et la cohérence de son engagement, ainsi que son courage face aux violences et aux injustices, qu’elles soient coloniales, patriarcales ou sociales.

Cette polémique illustre également la question plus large de la responsabilité morale des créateurs lorsqu’ils représentent des figures historiques. La famille Halimi rappelle que la mémoire des grandes militantes peut être fragile face aux ambitions artistiques et médiatiques. En réclamant un cartel dans le générique, Jean-Yves Halimi et son frère cherchent à préserver l’intégrité de l’héritage de leur mère et à rappeler aux spectateurs l’exemplarité de son engagement pour la justice, la liberté et la dignité humaine.

En filigrane, cette controverse est un rappel de l’importance de la cohérence entre l’engagement personnel et la représentation publique. Pour les fils Halimi, incarner Gisèle Halimi à l’écran n’est pas un simple rôle d’actrice : c’est porter un héritage de lutte et de résistance qui mérite respect et fidélité.

Djamal Guettala 

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