Né en 43 avant J.-C. à Sulmone, près de Rome, Ovide est un poète majeur de la latinité. Il est célèbre pour ses « Métamorphoses ».
Rejetant la proximité avec les différents pouvoirs politiques, il développe d’abord, le thème de l’amour, qui le rend célèbre, très jeune, puis projette d’écrire une œuvre qui cherche à retracer le parcours de la création du monde jusqu’à son époque. Il composera ainsi les Métamorphoses en 12000 vers, où sont réunies 231 histoires, en 15 livres.
Le mythe, comme récit imaginaire, donne aux Métamorphoses une force poétique, revisitée à travers les siècles par divers poètes et auteurs qui sont allés sur ses traces.
Exilé en Mer noire, à la fin de sa vie, pour une raison inconnue, pris de désespoir, il écrit des poèmes pleins de mélancolie, Les Tristes, Les Pontiques. Il meurt en 18 après J.-C.
Tahar Bekri
Il était une source limpide aux eaux brillantes et argentées, que ni les bergers, ni les chèvres qui paissent sur la montagne, ni nul autre bétail n’avait jamais approchée, que n’avait troublée, nul oiseau, nulle bête sauvage, nul rameau tombé d’un arbre. Elle était entourée de gazon qu’entretenait la proximité de l’eau : et la forêt empêchait le soleil de jamais réchauffer ces lieux. C’est là que l’enfant, fatigué par l’ardeur de la chasse et par la chaleur, vint s’étendre, attiré par l’aspect du lieu et par la source. Mais, tandis qu’il tente d’apaiser sa soif, une autre soif grandit en lui. Pendant qu’il boit, séduit par l’image de sa beauté qu’il aperçoit, il s’éprend d’un reflet sans consistance, il prend pour un corps ce qui n’est qu’une ombre. Il reste en extase devant lui-même, et, sans bouger, le visage fixe, absorbé dans ce spectacle, il semble une statue faite de marbre de Paros. Il contemple, couché sur le sol, deux astres, ses propres yeux, et ses cheveux, dignes de Bacchus, dignes aussi d’Apollon, ses joues imberbes, son cou d’ivoire, sa bouche charmante, et la rougeur qui colore la blancheur de neige de son teint. Il admire tout ce par quoi il inspire l’admiration. Il se désire, dans son ignorance, lui-même. Ses louanges, c’est lui-même qu’il les décerne. Les ardeurs qu’il ressent, c’est lui qui les inspire. Il est l’aliment du feu qu’il allume. A combien de reprises il prodigua de vains baisers à l’onde trompeuse ! Que de fois, pour saisir le cou aperçu, il plongea dans l’eau ses bras, sans les refermer sur soi. Que voit-il donc ? Il l’ignore; mais ce qu’il voit l’embrase, et la même erreur qui abuse ses yeux excite leur convoitise. Crédule enfant, à quoi bon ces vains efforts pour saisir une fugitive apparence? L’objet de ton désir n’existe pas ! Celui de ton amour, détourne-toi et tu le feras disparaître. Cette ombre que tu vois, c’est le reflet de ton image. Elle n’est rien par elle-même, c’est avec toi qu’elle est apparue, quelle persiste, et ton départ la dissiperait, si tu avais le courage de partir!
Mais ni le souci de Cérès, ni celui du repos ne peut l’arracher de là, étendu dans l’herbe épaisse, il contemple, sans en rassasier ses regards, la mensongère image, et par ses propres yeux se fait lui-même l’artisan de sa perte.
Les Métamorphoses, Livre III (traduction de Joseph Chamonard, ‘‘Etonnants classiques’’, GF Flammarion).



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