Né en 1883 à Trieste, Umberto Saba, de son vrai nom Umberto Poli, est l’une des voix majeures de la poésie italienne.
Abandonné par son père avant sa naissance, Umberto Saba est confié à une nourrice slovène, qui comptera dans sa vie.
Il publie son premier recueil, en1911. Pris d’angoisse existentielle, passant par des épisodes dépressifs, persécuté par les lois raciales sous le fascisme, il pense au suicide, son œuvre est marquée par une solitude profonde, malgré un succès tardif.
Le Canzoniere, qui regroupe ses poèmes, mal reçu à sa parution, en 1921, connaîtra plus tard, maintes éditions. Il décède en 1957.
Tahar Bekri
Chaque année un pas en avant et le monde
dix en arrière. A la fin je suis resté seul.
Mais ce que j’ai perdu tu me le rends, rossignol
qui sur ma branche tu poses et racontes
pour moi l’histoire de l’ange qui vit
deux jours et demi sur la terre. Ta main
novice écrit et fait qu’autour
de ta fable nouvelle mes pensées
essaiment assidues comme abeille au miel.
Tu accuses l’art difficile et le mot,
gel de l’image. Et je pense
que tu es encore plus jeune que tes années ;
car, qui, mûrit tôt (c’est l’antique dit)
manque vite à sa tige.
Lettre
Je t’envoie, ami, deux poèmes qui sont
les derniers échos d’un homme sur la terre,
liés à un fil que ne peut rompre
la guerre, ni ton crime juvénile.
Si tu aimas, songe méditerranéen
dactylographié pour nous, le fascicule
bleu qu’en partant
je te disais en don, aujourd’hui, avec bonté,
ajoute-les aux poèmes pour Télémaque. Bientôt,
j’espère, nous nous reverrons. Ton crime
n’est pas grave : il est de m’avoir un peu oublié.
Traduits de l’italien par Philippe Bernard et Bernard Simeone
Extrait du Canzoniere (Ed. La Différence, 1992).
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