Absence de la Tunisie du comité d’élaboration des normes de la série 53000

L’Organisation internationale de normalisation (ISO) a récemment lancé l’élaboration de deux normes de la série 53000, dédiées aux systèmes de gestion pour les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies. La Tunisie est malheureusement absente du comité technique d’élaboration de ces deux normes.

Tarek Kaouache *

Cette initiative vise à fournir un cadre structuré permettant aux organisations de toutes tailles et secteurs d’intégrer les ODD dans leurs stratégies et opérations quotidiennes. Toutefois, un fait marquant a été l’absence de la Tunisie parmi les membres du comité technique chargé de cette tâche cruciale.

Importance des ODD et des normes ISO 53001 et 53002

Les ODD, adoptés par les Nations Unies en 2015, représentent une feuille de route mondiale pour un développement durable d’ici 2030. Ils couvrent une gamme d’objectifs allant de l’élimination de la pauvreté à la lutte contre le changement climatique, en passant par l’égalité des sexes et la promotion de la paix et de la justice. Pour aider les organisations à aligner leurs pratiques sur ces objectifs globaux, les normes ISO 53001 et 53002 ont été développées.

La norme ISO 53001 est particulièrement notable car elle est certifiable, tout comme les normes ISO 9001 (qualité), ISO 22000 (sécurité alimentaire) ou ISO 14001 (environnement). Cela signifie que les organisations peuvent obtenir une certification officielle pour attester de leur conformité à cette norme, offrant ainsi une reconnaissance internationale de leur engagement envers les ODD.

La norme ISO 53001 fournit des directives claires et des outils pratiques pour mesurer et améliorer l’impact des pratiques organisationnelles sur la durabilité alors que la norme ISO 53002, quant à elle, complète la série en offrant des lignes directrices supplémentaires et des recommandations pour l’implémentation effective des systèmes de gestion basés sur les ODD.

Ainsi, ces normes représentent un cadre structuré pour intégrer les ODD dans les stratégies organisationnelles, avec ISO 53001 offrant une opportunité de certification qui valorise les efforts en matière de développement durable.

L’élaboration des normes ISO repose sur la participation active de divers pays à travers des comités techniques composés d’experts issus de l’industrie, du gouvernement, du milieu académique et d’autres parties prenantes. Ces comités jouent un rôle crucial en veillant à ce que les normes soient pertinentes, applicables et bénéfiques à l’échelle mondiale. La diversité des perspectives et des expertises est essentielle pour garantir que les normes répondent aux besoins variés des différents contextes économiques, sociaux et environnementaux.

Implications de l’absence remarquable de la Tunisie

Malgré son engagement envers le développement durable et ses efforts pour intégrer les ODD dans ses politiques nationales, la Tunisie ne fait pas partie du comité technique d’élaboration de ces deux normes ISO de la série 53000. Cette absence est d’autant plus remarquable que six pays africains, à savoir le Congo, l’Égypte, le Ghana, le Sénégal, le Soudan et la Tanzanie, participent activement au comité, et quatre autres, l’Afrique du Sud, le Bénin, le Kenya et le Maroc, y sont observateurs. Par ailleurs, quatre pays arabes, à savoir l’Arabie Saoudite, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis et la Jordanie, participent également au comité, avec le Maroc comme observateur.

L’absence de la Tunisie, même en tant que simple membre observateur, au sein du comité technique d’élaboration de ces normes représente une grave lacune avec plusieurs implications significatives. En premier lieu, cette absence limite sévèrement l’influence du pays sur une norme qui pourrait jouer un rôle clé dans la réalisation des ODD des Nations Unies. La norme ISO 53001, étant certifiable, offre une opportunité cruciale pour les organisations tunisiennes d’obtenir une reconnaissance internationale de leurs efforts en matière de développement durable. Sans participation dans le comité, la Tunisie risque de ne pas voir ses besoins et ses réalités spécifiques suffisamment pris en compte dans le développement de cette norme.

De plus, cette absence prive la Tunisie d’opportunités précieuses de collaboration internationale et de partage de connaissances, qui sont essentielles pour le progrès du pays en matière de développement durable. Les comités techniques offrent une plateforme pour échanger des meilleures pratiques, accéder à des expertises mondiales et influencer les standards internationaux. En ne participant pas à ces discussions, la Tunisie se coupe de ces bénéfices cruciaux, ce qui peut freiner ses avancées et sa capacité à aligner ses politiques et pratiques sur les meilleures normes internationales.

Vers une meilleure inclusion et participation

Pour remédier à cette situation, il est crucial que la Tunisie intensifie ses efforts pour participer activement aux processus de normalisation internationale. Cela pourrait inclure l’encouragement des experts tunisiens à rejoindre les comités techniques, le renforcement des capacités institutionnelles pour suivre et la contribution aux travaux de l’ISO, et la collaboration avec d’autres pays et organisations pour garantir une représentation plus équitable.

En tant que consultant indépendant intéressé par le développement durable et les ODD, je suis fréquemment interrogé par les chefs d’entreprises et les organisations professionnelles sur la possibilité d’obtenir une certification suite à la mise en œuvre des programmes et plans d’action que je leur propose en matière de développement en lien avec les ODD. Avec le norme ISO 53001, cette possibilité deviendra bientôt une réalité. Le coordinateur du comité technique, un Danois dont le pays est à l’origine de ce projet de norme, m’a récemment exprimé son enthousiasme à l’idée de voir la Tunisie participer à ce comité.

La prochaine réunion, prévue du 26 au 30 août 2024, sera une opportunité idéale pour que l’Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle (Innorpi) représente la Tunisie et je pense que nous avons encore le temps quoique la notion de temps soit tout à fait relative.

Bien que l’absence de la Tunisie du comité technique d’élaboration des deux normes ISO de la série 53000 soit regrettable, elle met en lumière la nécessité d’une participation accrue et proactive aux initiatives de normalisation internationale, en particulier pour des sujets aussi cruciaux que ceux relatifs au développement durable, dont notre pays a tant besoin. La participation active de la Tunisie dans ces processus est essentielle pour garantir que nos spécificités et besoins soient pris en compte et pour renforcer notre engagement envers un avenir plus durable.

* Formateur et consultant sénior indépendant en développement durable et commerce équitable.

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