Le récent épisode marqué par l’ouverture de poursuites judiciaires à l’encontre d’un homme politique (Ghazi Chaouachi, secrétaire général du Courant démocrate, Attayar, Ndlr) pour attribution de fausses informations à un fonctionnaire public concernant sa fonction et propagation de fausses nouvelles de nature à nuire à l’ordre public, ne manque pas d’interroger les analystes de la situation politique en Tunisie.
Par Faik Henablia *
Outre le caractère risible du chef d’accusation qui en dit long sur la tournure que prend le pouvoir, tant un simple démenti eût suffi, cet événement malheureux ne sera pas sans poser une question essentielle, à savoir celle des conséquences de l’absence quasi totale de communication gouvernementale et présidentielle. Car il est bien connu que la nature a horreur du vide et quoi de mieux que la rumeur pour combler ce vide sidéral de communication ainsi que son inévitable conséquence, le défaut d’information.
L’absence de communication présidentielle
Il n’a échappé à personne que le le détenteur du pouvoir à Carthage (allusion au président de la république, Kaïs Saïed, NDLR) prend un malin plaisir à ignorer les médias, et principalement les médias nationaux, dans une attitude de défiance manifeste.
C’est tout juste si quelques médias internationaux font de temps en temps exception à la règle, ainsi que l’a parfaitement illustré le dernier voyage, à Paris, d’un Kaïs Saïed implorant une interview sur le perron de la conférence à laquelle il se rendait. Et ce pour lancer ce scoop… que la Tunisie entrait dans une ère nouvelle.
Absence de communication présidentielle mais aussi gouvernementale; par crainte du patron ou tout simplement par absence de réponse aux questions cruciales qui se posent?
Il est vrai que la qualité, tant sur la forme que sur le fond, de la récente sortie de la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, qui aurait, en l’occurrence, mieux fait de se taire, n’a pas beaucoup amélioré les choses. Est-ce la raison pour laquelle certains gouverneurs tels ceux de Ben Arous ou de Tunis se croient autorisés à jouer les porte- paroles?
De super- gouverneurs en somme, qui, à l’instar de celui de Ben Arous, n’hésitent pas à mentir à propos de troubles entre supporters lors d’une compétition sportive, ou celui de Tunis, qui annonce ne désormais consacrer l’Avenue Bourguiba qu’aux manifestations culturelles, pour, ensuite, l’ouvrir à celles des soutiens du président.
Super-gouverneurs à rendre jaloux les simples gouverneurs que sont, sans doute, ceux Kef, de Gafsa, de Sousse ou de Sfax; ah j’oubliais qu’il n’y en a toujours pas à Sfax, ni à Sousse ni à Gabès d’ailleurs.
Les exégètes de la pensée profonde de Saïed
Le manque de transparence permet également à certains illuminés de faire de plus en plus irruption sur les plateaux médiatiques, pour nous apporter, sur un ton exalté, la bonne parole présidentielle et nous révéler, à l’instar de celle de Mao, la pensée profonde de Kaïs Saïed.
Face à ces exégètes, comme l’inénarrable Ahmed Chaftar qui écume les studios des radios et les plateaux des télévisions, dont on ne sait s’ils sont mandatés ou non, tant ils font preuve d’assurance et de certitude dans leurs développements, ni confirmation ni démenti, mais au contraire, silence absolu.
La nature ayant horreur du vide, disais-je, et la désinformation n’y parvenant pas, la rumeur s’est allègrement chargée de le combler.
La «nouvelle» de la démission de la cheffe du gouvernement en est un parfait exemple, tant la soumission de celle-ci laisse pantois.
Comment, en effet, cette dame, ou tel autre ministre, peut-elle accepter ainsi de se faire docilement traîner dans la boue, par un président jouant les vedettes à ses dépens en la convoquant pour la sermonner publiquement?
Nul doute que de tels scoops n’alimentent de plus en plus l’actualité, du moins tant que la communication officielle fera ainsi défaut.
Et les poursuites judiciaires n’y pourront rien.
* Docteur d’Etat en droit, ex-gérant de portefeuille associé.
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