Ce cliché a été pris aujourd’hui, samedi 10 juin 2023, avenue de la République à Paris, par notre collaborateur et ami Abdellatif Ben Salem. On y constate l’état de délabrement et les herbes folles qui poussent devant la devanture de la Tunisian Foreing Bank (TFB).
Par Imed Bahri
Cette image d’une banque tunisienne à l’étranger en décrépitude renvoie à la ruine et à la désolation qui guettent la Tunisie. Elle illustre de la manière la plus parfaite l’Etat financier catastrophique de notre pays qui, après s’être débarrassé de la dictature, a tout fait à l’envers, en réussissant la prouesse de passer du statut de pays pré-émergent à celui de pays au bord de la faillite et qui constitue désormais un boulet de fer aux pieds de ses partenaires, lesquels ne savent plus d’ailleurs comment l’aider à se relever alors qu’il s’enfonce de nouveau dans la crise et refuse de mettre en œuvre les réformes qu’exige ses dysfonctionnements structurels qui l’empêchent de renouer avec la croissance.
A cet égard, les difficultés de la TFB, gangrenée par la corruption et la mal-gouvernance, sont symptomatiques d’un mal chronique plus grand, celui d’une Tunisie desservie par ses propres enfants.
Un instrument de clientélisme financier et politique
Sur son site web, TFB se présente comme une banque de droit français affiliée à la Fédération Bancaire Française et dont le capital est détenu par des institutions financières tunisiennes (la STB avec 49% du capital, la BNA 13% et le reste à l’Etat). «Elle participe depuis sa création en 1977 au développement des échanges économiques et commerciaux entre la Tunisie et la France et accompagne les Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) dans leurs projets d’investissements en France», lit-on encore.
Ces derniers, rappelons-le, représentent 10% de la population tunisienne et sont réputés pour leur attachement à leur pays natal : une niche intéressante et une aubaine pour un établissement financier, encore faut-il qu’il soit bien géré, ce qui n’a jamais été le cas de la TFB qui, depuis sa création, a été un instrument de clientélisme financier et politique aux mains du pouvoir en place en Tunisie. Que de prêts généreusement accordés à des clients du régime dictatorial en place à Tunis n’ont-ils pas été (ou très partiellement remboursés) ! Ne faut-il pas en dresser aujourd’hui la liste et la rendre publique pour que l’opinion en soit au moins informée ?
Se présentant encore comme un «pont financier entre les deux rives de la Méditerranée pour dispenser ses services tant aux particuliers qu’aux professionnels et entreprises», TFB dispose de cinq agences en France et d’une succursale offshore à Tunis à travers lesquelles elle exerce ses activités domestiques et internationales.
Près d’un demi siècle après sa création, TFB peine encore à répondre aux critères requis pour accéder au rang d’une banque universelle de droit français. Elle a d’ailleurs essuyé plusieurs mises en demeure de la part de l’ACPR française (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) pour non-respect des ratios prudentiels dont un blâme et une sanction pécuniaire d’un montant de 700.000 euros, «en raison de sérieuses insuffisances affectant son dispositif de contrôle périodique et permanent ainsi que son organisation comptable».
L’ACPR française a notamment relevé l’incapacité dans laquelle se trouvaient, à la date de la vérification, les responsables du contrôle interne et du service comptable de la TFB, «de vérifier les informations transmises par son agence de Tunis, dont l’activité représentait plus des deux tiers de celle de la banque mais qui fonctionnait sur un système d’information comptable autonome».
Improbables tentatives de cession
Malgré ces carences dûment constatées dans sa gestion et ses comptes, la TFB est passée par plusieurs tentatives de cession et d’acquisition. Parmi elles, une offre d’un fonds britannique qui a proposé 30 millions d’euros pour l’acquisition de la totalité du capital et 120 millions d’euros pour financer le plan de restructuration et celui du rétablissement des équilibres financiers de la banque sur 3 ans.
Cette offre a cependant été rejetée par la la commission de restructuration des entreprises publiques (Carep) qui a préféré lancer un autre appel à manifestation d’intérêt auquel ont participé deux banques tunisiennes : l’UBCI et la Biat. Cette nouvelle opération de cession, lancée début novembre dernier, est toujours en cours.
Procédures complexes, lenteurs bureaucratiques, jeux d’influence… Il y a de tout dans le retard pris dans l’opération de cession, qui plus est, à un moment où les caisses de l’Etat, asphyxiées par la crise, ont le plus besoin de rentrées d’argent pour respirer.
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